Dur, dur, d’être parent ! Alors que la société dans son ensemble se montre toujours plus sensible à la condition de l’enfant, le rôle attendu des parents s’avère effectivement difficile à assumer. Il faut dire que face à la profusion médiatique d’avis d’experts sur le développement de l’enfant, les parents ne manquent pas de matière à s’interroger sur la manière d’assurer au mieux leur mission éducative. Comme s’il fallait maîtriser quantité de compétences pour élever son enfant, comme si c’était un vrai métier d’être parent. Un métier qui n’a rien d’évident tant il est exigeant, parfois angoissant, souvent éprouvant.
Dans ces conditions, on comprend pourquoi le soutien à la parentalité rencontre un tel succès. En l’espace d’une vingtaine d’années, c’est devenu un support d’action publique à part entière, considérant que le bien-être des enfants, les politiques éducatives et la prévention de divers problèmes sociaux (échec scolaire, comportements à risque, délinquance juvénile) reposent sur l’implication active des parents. Dans les milieux professionnels, cette approche renouvelée de l’intervention sociale en faveur des familles suscite un véritable engouement, dans l’idée qu’« il faut faire confiance aux parents », « les rendre acteurs de l’éducation de leurs enfants », valoriser leur potentiel pour les conforter dans leur rôle. De leur côté, les pouvoirs publics manifestent un intérêt croissant pour ces projets de soutien à la parentalité qui sont apparus en marge des cadres institutionnels mais qui, de plus en plus, s’intègrent aux politiques axées sur l’enfance et la jeunesse.
« Leur dire qu’ils sont capables »
En pratique, le soutien à la parentalité mobilise une pluralité de structures (associations, services sociaux, centres d’animation, écoles, etc.), de financeurs (État, collectivités locales, fondations privées, etc.) et d’intervenants (psychologues, éducateurs, juristes, médiateurs familiaux, conseillers scolaires, etc.) (1). Les actions proposées sont elles aussi diverses. Elles peuvent s’adresser aux parents en général ou cibler des publics plus spécifiques (mères isolées, pères séparés, parents migrants, parents d’enfants handicapés, etc.). Elles se déclinent tantôt sur le mode de l’accompagnement individuel, tantôt sur le mode de la participation à des activités collectives. À Paris par exemple, L’École des parents et des éducateurs (EPE) propose un service de téléphonie à destination des familles, une maison ouverte accueillant les parents et leurs enfants jusqu’à l’âge de 4 ans, et un « café » où se tiennent des débats, des conférences, des permanences psychologiques et juridiques, des groupes de parole et des ateliers.
Quels que soient les répertoires d’action, ce sont des questionnements concrets sur la parentalité qui émanent du public. Comme le résume la responsable du plateau téléphonique de l’EPE, « les parents ne nous appellent pas pour se poser de grandes questions philosophiques, ils appellent parce qu’il y a un problème : comment être parent dans cette situation à gérer à ce moment-là ? » Face aux difficultés rencontrées, l’objectif est alors de « redonner confiance aux parents », de « leur dire qu’ils sont capables » et de « les aider à trouver en eux leur propre solution ». Une mère s’alarme au sujet de sa fille cadette qui peine à trouver sa voie professionnelle et « ne fait plus rien » depuis qu’elle a quitté son école d’infirmière il y a trois mois. « Je vous contacte pour essayer d’y voir clair dans le comportement de notre fille et dans la ligne que nous pourrions tenir », dit la mère en plein désarroi. Au bout du fil, une psychologue s’emploie à la rassurer, expliquant que cette période de flottement peut être plus difficile à vivre pour les parents que pour l’enfant : « J’entends votre inquiétude, mais votre fille n’est peut-être pas en capacité de mettre quoi que ce soit en place en ce moment, elle a probablement besoin de prendre ce temps-là. » Alors que la mère se demande à plusieurs reprises ce que sa fille va devenir « si elle ne bouge pas », la psychologue l’invite à envisager la situation plus positivement : « Et si elle bougeait justement, si elle y arrivait… »