Rimbaud au berceau

« A noir, I rouge, U vert, O bleu : voyelles

Je dirai quelque jour vos naissances latentes… »

Le fameux sonnet des voyelles d’Arthur Rimbaud illustre une propriété célébrée par certains musiciens du XIXe siècle, à savoir la perception colorée des sons, qu’ils soient musicaux ou linguistiques. Mais est-ce seulement une vue de poète ? Toute association entre différents modes de sensations est appelée synesthésie. Les psychologues ont pu montrer que certains sons des langues humai­nes sont, chez l’adulte, spontanément associés à des notions de taille ou de volume : ainsi, « A » et « O » sont perçus comme « plus gros » que « I » et « E ».

Sous des dehors bénins, ce genre de constat vient chatouiller un des axiomes de la linguistique, celui de l’arbitraire du signe. En principe, il n’existe pas de lien nécessaire entre la matière sonore des langues et leur signification : sauf exception, bien sûr (comme dans « cocorico » ou « sniffer »), le son « cha » n’a rien à voir avec ce qu’il désigne en français, et cela s’applique à toutes les langues. Si toutefois le phénomène des voyelles « grosses » et « petites » se confirmait dès la petite enfance, il pourrait être autre chose qu’une sensation d’esthète averti.

« The role of audio-visual processing in early conceptual development », , à paraître.