Rwanda 1994 Le dernier génocide du 20e siècle

Il suffira de trois mois aux extrémistes hutu pour assassiner un million de leurs concitoyens. Comment expliquer l’intensité d’un tel massacre ?

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« Mais le génocide sous sa forme la plus pure commença au Rwanda, pays enclavé au cœur de l’Afrique, le 7 avril 1994 (…). L’histoire s’était répétée », écrit Raul Hilberg dans la dernière édition (2006) de son livre La Destruction des Juifs d’Europe. Si la plume de l’historien de la Shoah a le mérite de hisser le génocide des Tutsi au rang des événements majeurs de notre temps présent, elle ne saurait pour autant conduire à rabattre les massacres du printemps 1994 sur l’expérience des génocides précédents. L’histoire ne s’est pas répétée selon les mêmes modalités et, sur bien des points, l’extermination des Tutsi présente des singularités qui forment autant de questionnements nouveaux pour les sciences sociales.

Une question vertigineuse

En moins de trois mois, du 7 avril à la mi-juillet 1994, près d’un million de personnes, soit les trois quarts de la population tutsi, ont péri au cours d’une campagne de massacres marquée par une efficacité redoutable, amenant alors à poser cette question d’une vertigineuse simplicité : comment l’assassinat en masse d’un million de personnes a-t-il été rendu possible en un laps de temps aussi bref ? Peut-être trouvera-t-on un premier élément de réponse dans la fusion progressive de deux logiques meurtrières. La première dynamique, « verticale », renvoie à l’investissement d’un État structuré par une administration pyramidale et doté d’une armée puissante dans l’organisation et l’exécution des tueries. La seconde, horizontale, est marquée par la participation massive de la population civile aux massacres, spécifique au génocide des Tutsi. Voisins, amis, prêtres et familiers prennent part à la traque et à l’extermination, non de victimes anonymes mais de leurs proches. Cette intimité entre les victimes et les tueurs constitue l’un des ressorts essentiels de l’effroyable efficacité du génocide.