Sociologie de nos nuits

Depuis plusieurs décennies, des sociologues tentent de donner du sens à nos rêves. Un pari difficile.

Au début du 20e siècle, en plein essor des théories freudiennes, le rêve est vu comme l’expression des tourments intimes, produit du fonctionnement psychologique. Mais en exportant l’étude des rêves à des populations considérées comme primitives, les anthropologues ouvrent la voie à une interprétation collective de ceux-ci.

Cette voie sera timidement reprise dans les sociétés contemporaines. C’est le car par exemple du travail de l’anthropologue et sociologue Roger Bastide. Le chercheur étudie deux groupes de Noirs au Brésil : la classe moyenne et les pauvres. Du fait de leur ascension sociale, les premiers se retrouvent en concurrence avec des Blancs. Leurs rêves expriment la honte de leur couleur de peau et le désir d’en changer – désir qui se heurte au sentiment d’infidélité et de trahison vis-à-vis de leurs parents et ancêtres. Les rêves des seconds sont marqués par la peur des patrons et par la persistance du régime esclavagiste.