Internet, loin des fantasmes initiaux d’un univers parallèle où les classifications sociales n’auraient plus cours, est structuré de manière analogue à l’espace social « réel ». C’est la conclusion du sociologue Julien Boyadjian, qui a bénéficié d’un accès inédit aux données Médiamétrie relatives aux pratiques de navigation d’un panel de 25 000 individus. Il a passé au crible leurs informations de connexion aux 500 sites les plus fréquentés en mai 2022 et montre, entre autres, que les femmes sont majoritaires sur les portails des enseignes de la grande distribution. Ce sont aussi elles qui se connectent le plus au site du ministère de l’Éducation nationale, à celui des Caisses d’allocations familiales ou sur Doctolib pour prendre des rendez-vous médicaux. Les pratiques en ligne reflètent la perpétuation de la division du travail domestique, où la gestion des courses et le travail du « care » incombent surtout aux femmes. Dans les pratiques de loisirs aussi, le poids du genre est prédominant. « S’ils n’étaient pas empiriquement fondés, ces résultats pourraient sans doute apparaître caricaturaux », souligne Julien Boyadjian. Les hommes sont surreprésentés parmi les visiteurs des sites pornographiques, sportifs, automobiles et de jeux vidéo, et les femmes de ceux de prêt-à-porter, de beauté et de cuisine.