Soi-même comme un autre

Paul Ricoeur, 1990, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 1997.

Redonner des bases sûres à la philosophie morale à partir d'une redéfinition du sujet : tel est l'objectif de Soi-même comme un autre, objectif qui en fait un ouvrage majeur pour la compréhension éthique et morale à notre époque. Cette entreprise ambitieuse n'est pas aisée, souligne Paul Ricoeur dès la préface, car elle oblige à explorer de nouvelles perspectives. Jusque-là, la philosophie a adopté deux attitudes opposées devant la notion de sujet : la survalorisation d'un côté, le rejet de l'autre. Le fameux cogito cartésien ouvrait la voie d'un moi dit « exalté », fondement de toute pensée, sorte de substance isolée qui existe indépendamment de l'existence du reste du monde. Ce sujet a été bousculé par les sciences humaines. Friedrich Nietzsche, Karl Marx puis Sigmund Freud et leurs successeurs n'ont pas été tendres avec lui : le moi s'est vu « humilié », accusé d'illusion, de superficialité, d'être manipulé par des forces inconscientes... Pour Ricoeur, pas question de poursuivre ces traditions. Il va falloir se placer au-delà de cette alternative. Ricoeur, en ce sens, et cela est notable dans toute son oeuvre, est par excellence le philosophe de la conciliation, celui qui surmonte les conflits.