A 8 ans, la petite Françoise Marette affirme vouloir devenir un « médecin d'éducation », c'est-à-dire, selon sa propre définition, « un médecin qui sait que quand il y a des histoires dans l'éducation, ça fait des maladies aux enfants, qui ne sont pas de vrais malades ». Ce désir d'enfant deviendra réalité, puisqu'en plus de devenir médecin, psychanalyste, et plus particulièrement psychanalyste d'enfant, Françoise Dolto s'attachera vers la fin de sa vie à aider les parents dans l'éducation des enfants, que ce soit à travers les célèbres émissions de radio sur France Inter, Lorsque l'enfant paraît, ou par la création des « Maisons vertes », lieux d'accueil, de rencontre et de jeux pour les parents et leurs enfants de moins de 3 ans.
Même si cette facette de Françoise Dolto est la plus médiatisée, on ne peut oublier qu'avant cela, elle mena pendant quarante ans une carrière de psychanalyste, à la fois comme clinicienne et comme théoricienne du développement de l'enfant. Françoise Dolto, qui s'appelle encore à cette époque Françoise Marette, ouvre son cabinet de consultation en septembre 1939. Après des études de médecine et une analyse avec René Laforgue, elle obtient sa titularisation à la Société de psychanalyse de Paris (SPP) en 1939, acceptée à l'unanimité pour sa thèse, Psychanalyse et pédiatrie. Les ferments de son travail s'y trouvent déjà : F. Marette utilise la psychanalyse avec les enfants, même les plus jeunes, sans croire comme d'autres psychanalystes qu'ils ne sont pas capables d'associations ou d'activité symbolique. Selon elle, la seule différence qu'il y a entre la psychanalyse d'enfants et d'adultes, c'est qu'avec l'enfant, le psychanalyste atteint les composantes les plus archaïques de la personne. Et qu'il faut une plus grande créativité, un plus grand sens de l'observation et de l'écoute, pour accéder au monde imaginaire de l'enfant.
Elle s'autorisera dans ce but de nombreuses innovations techniques. Parmi elles, l'entretien préliminaire avec les parents, en présence de l'enfant. Cela permet, selon elle, de voir comment l'enfant est parlé par le père ou la mère, comment son jeu peut contredire leur discours, ou son excitation soutenir l'agressivité de la mère qui s'en plaint. F. Marette veut, en fait, dès les premiers instants de sa rencontre avec l'enfant, enclencher le processus thérapeutique, sans attendre qu'un transfert s'installe. Car, bien souvent, les enfants qu'elle reçoit dans le cadre hospitalier où elle exerce sont de passage. Il y a donc urgence.
Une fois seule avec l'enfant, elle utilise le dessin, le jeu, le modelage, ou la célèbre poupée-fleur, qu'elle utilise avec la petite Bernadette et la petite Nicole 1. Et bien sûr, le langage. Car, comme Jacques Lacan, dont elle est proche, F. Dolto accorde une immense importance au langage : « Tout est langage, et le langage, en paroles, est ce qu'il y a de plus germinant, de plus inséminant, dans le coeur et dans la symbolique de l'être humain qui naît. » 2
Une théoricienne novatrice
En plus de son travail de clinicienne, F. Dolto contribua d'un point de vue théorique à la psychanalyse, et plus particulièrement au développement de l'enfant. Parmi ses principaux concepts, on trouve les « castrations symboligènes » et leurs différents stades. La notion de castration de F. Dolto n'est pas exactement la même que celle de Freud. Il ne s'agit pas d'une menace ou d'un fantasme de castration pénienne, mais plus largement de la privation ou du sevrage par rapport à tout objet investi érotiquement, qui devient un jour interdit. Ainsi, selon l'objet dont l'enfant est privé, il passerait par différents stades. Par le terme symboligène, F. Dolto veut signifier que la castration n'est pas seulement répressive mais aussi initiatrice, libératrice, sublimatoire. En interdisant certains objets de désir, la castration orienterait l'enfant vers d'autres moyens, d'autres rencontres, pour accéder à un plaisir plus élaboré. F. Dolto décrit trois stades successifs : la castration ombilicale, au moment de la naissance ; la castration orale lors du sevrage ; et la castration anale au moment de l'apprentissage de la propreté. Selon F. Dolto, pour être source d'épanouissement, les castrations doivent avoir lieu au rythme de l'enfant et être accompagnées, par l'adulte qui les inflige, de respect, de permissivité, d'amour chaste, et être portées par la parole.