L’infirmière entre dans une chambre lumineuse. Au centre, le lit : un monsieur d’environ 70 ans s’y tient allongé, inconscient, entouré de tuyaux et de machines, une perfusion au bras. Ses joues sont toutes lisses, sa femme l’a rasé ce matin, c’est leur moment à eux. Aux murs, quelques photos, et d’innombrables dessins d’enfants : une grande libellule violette et rose, une maison, des papillons, des mots doux. « Vous avez une super petite-fille », sourit Stéphanie, l’infirmière, en s’approchant du lit. Elle le touche, « vous êtes tout chaud ! », vérifie sa température, le découvre un peu. « Je vous donne les médicaments », annonce-t-elle, avant de renouveler les seringues, notamment de morphine.
« Je leur parle toujours, même s’ils ne peuvent pas me répondre, même si je ne sais pas s’ils m’entendent, raconte l’infirmière. J’en ai besoin. Je les touche, aussi. Le bras, l’épaule, le genou. Je veux qu’ils sachent qu’on est là, et qu’ils ne sont pas seuls. » En sortant de la chambre, elle croise l’épouse du patient, qui semble avoir besoin de parler un instant. Stéphanie s’arrête, écoute, lui apporte un café – « c’est ça notre travail aussi » –, rappelle qu’elle peut demander un lit d’appoint pour passer la nuit avec son mari.
Située au 4e étage de l’hôpital, l’unité de soins palliatifs du centre hospitalo-universitaire de Reims (Marne) offre une vue imprenable sur la ville et sa cathédrale. Elle peut accueillir jusqu’à quatorze patients, tous atteints d’une maladie grave et incurable, ce qui ne veut pas forcément dire que la mort est imminente. Certains patients font des séjours palliatifs par intermittence pendant plusieurs années, afin de soulager leurs symptômes, avoir un peu de répit, permettre à leur famille de souffler.
Ce sont en tout cas des situations complexes, avec des symptômes rebelles et des douleurs difficiles à soulager. La prise en charge est globale : douleurs physiques, angoisses, difficultés psychologiques, sociales, familiales. Un mot d’ordre : écouter le patient, ses désirs et ses peurs, afin de trouver avec lui comment rendre sa fin de vie la plus douce possible. L’enjeu, ce n’est pas la mort, mais la vie dans des conditions difficiles.