Que l’engagement dans l’armée des ombres relève d’une décision individuelle constitue une évidence que les anciens résistants, prompts à refuser tout déterminisme social dans leur choix, n’ont pas hésité à marteler. Fondée, cette vision ne doit pas cependant pas conduire à exclure les dimensions collectives qui présidèrent à l’entrée en résistance.
Stigmatisation de la République
De ce point de vue, l’appartenance à une classe sociale a joué un rôle important. De fait, chaque classe portait des intérêts différents, pour ne pas dire divergents. Le monde ouvrier, exposé à la vindicte du régime vichyste, connut ainsi un sort difficile durant les années sombres. Vivant le plus souvent en milieu urbain, il peinait à se ravitailler d’autant que ses salaires ne rattrapaient pas, et de loin, l’inflation. De plus, le travail obligatoire en Allemagne, imposé à partir de septembre 1942, frappa surtout les salariés de l’industrie qui composèrent de 54 % à 63,5 % des requis alors qu’ils ne pesaient que pour 31 % des actifs. La surreprésentation des ouvriers dans la Résistance est aussi liée à leur engagement massif au Parti communiste français (en 1938, un tiers des cellules du Parti sont des cellules ouvrières). Ce lien ne doit toutefois pas être caricaturé : les ouvriers représentent ainsi 43 % des effectifs des FTP du Var, mais seulement 22 % des OS-FN et FTP d’Ille-et-Vilaine…