Sur la télévision

Pierre Bourdieu, Liber Raison d'agir, 1996
Le 23 janvier 1996, Daniel Schneidermann, producteur de l'émission « Arrêt sur image » sur la Cinquième chaîne, invite Pierre Bourdieu afin de décrypter le traitement télévisuel des mouvements sociaux de novembre 1995, dans lequel ce dernier s'était impliqué.

Cette émission fut très tendue. Elle fut suivie d'un débat polémique entre P. Bourdieu et D. Schneidermann dans Le Monde diplomatique des deux mois suivants (http://www.monde-diplomatique.fr). Elle entraîna, quoique P. Bourdieu n'en fasse plus mention, la prononciation de deux leçons au Collège de France en mai 1996, publiées ensuite en cassette vidéo et sous forme d'un petit livre de 95 pages, Sur la télévision, qui se vendra à 80 000 exemplaires. L'ensemble de ces textes et émissions, permet d'accéder aux arguments de P. Bourdieu contre la télévision qu'il jugeait dangereuse, et ses journalistes qu'il estimait au mieux dominés et au pire manipulateurs.

La première caractéristique de la télévision serait qu'elle « fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle, art, littérature, philosophie, droit », ainsi qu'« à la vie politique et à la démocratie ». La télévision propage par exemple les idées nationalistes, construit une conception manichéenne du monde, etc. De plus, elle voile la réalité la domination et censure les analyses sociologiques ou critiques, seules capables d'éclairer la réflexion du plus grand nombre, particulièrement en privilégiant des fast thinkers, tous complices et compères, qui ne pensent qu'au travers des idées reçues, régissant à chaud sur les événements. Or on ne peut penser qu'en étant philosophe (P. Bourdieu invoque Platon) et sans précipitation : « Dans l'urgence, on ne peut pas penser. »