Survivre à la fin de notre monde

Les adeptes du « survivalisme » se préparent pour résister à un effondrement de nos sociétés. Entraînement physique, mental, technique… Ils espèrent ainsi se réserver une place de choix dans « le monde d’après ».

Le survivalisme est un mouvement né dans les années 1960 en Amérique du Nord, en pleine guerre froide. Craignant une frappe russe et un hiver nucléaire, ses adeptes, à l’époque issus de l’extrême droite et de mouvances néonazies, se terraient en rase campagne dans des bunkers remplis de boîtes de conserves, de réserves d’eau ou encore d’armes pour chasser, se défendre… « Cette image d’Épinal n’a plus cours aujourd’hui », selon le sociologue Bertrand Vidal, auteur de Survivalisme. Êtes-vous prêts pour la fin des temps ? (2018). Ce mouvement a en effet évolué en fonction des peurs collectives de chaque époque. Une tendance néonazie existe encore, comme en a récemment témoigné la fuite de messages publiés par des policiers xénophobes et survivalistes. Mais une tendance plus large touche aussi des activistes modérés, collapsologues de gauche ou néohippies par exemple. « Aujourd’hui, les néosurvivalistes anticipent surtout un déclin du modèle industriel, de la société de consommation et des écosystèmes naturels. » Ils considèrent que l’effondrement est inéluctable et qu’un brutal retour à la vie sauvage s’ensuivra.

Lorsqu’ils envisagent ce monde d’après, leur imaginaire entremêle, selon les orientations politiques, une vision très romancée de la nature, dans le sillon de la forêt enchantée façon Disney, et une conception plus violente et menaçante, version Mad Max, un classique des blockbusters postapocalyptiques. « D’un côté, précise B. Vidal, beaucoup louent le caractère salvateur de la nature » : l’apocalypse nous obligerait à renouer avec nos origines animales, supposées plus saines et authentiques que les comportements culturels propres aux sociétés modernes. Pour peu que l’on sache s’y prendre, l’environnement offrirait ainsi tout ce dont nous aurions besoin pour vivre et pourrait même révéler notre vraie nature. « Mais d’un autre côté, beaucoup ne croient pas que ce nouveau monde sera une partie de plaisir, ni que l’entraide y sera la norme. » Plus proches de Thomas Hobbes et de Friedrich Nietzsche que de Jean-Jacques Rousseau, ils partent du principe que les humains redeviendront des loups pour leurs congénères, et que la guerre de tous contre tous sera de nouveau permanente. « Seuls les meilleurs et les mieux préparés pourraient survivre », résume le sociologue.