Il faudrait pour commencer se demander si l’idée de « bien-être » existe dans la culture chinoise ? Si c’est le cas, il existe alors un mot en chinois pour la désigner et pour l’écrire. À l’entrée « bien-être » d’un français-chinois contemporain 1, on trouve le binôme 福利 fú lì.
Le premier 福 fú, signifie en propre : bonheur et le second 利 lì : gain. Curieux couplage pour signifier le « bien-être » ? D’autant plus que le type de « bonheur » décrit par le caractère 福 fú est très matériel. Il est en effet composé, à gauche, du signe général des « affaires rituelles et sociales » (礻) et, à droite, du dessin d’une jarre remplie de céréales (畐). Pour ce peuple de paysans sédentaires, la famine a été un fléau récurrent et le bonheur n’est pas une idée abstraite, mais une réalité tangible : celle d’un grenier plein assurant d’avoir suffisamment pour manger tout l’hiver tout en gardant du surplus pour semer au printemps. Quant au mot 利 lì, il est formé, à droite, du signe du couteau (刂) avec, à gauche, le signe général des céréales (禾). Le seul gain qui vaut étant celui de la moisson qui jadis se faisait, à la faucille.
Mais dans la Chine actuelle le binôme 福利 fú lì a pris un sens plus politique, qualifiant plutôt les « avantages sociaux » (就业福利 jiù yè fú lì), voire « l’état providence » (福利国家 fú lì guó jiā). Ces emplois ont tous la particularité de se situer à un niveau collectif sans référence individuelle. La dimension personnelle du « bien-être » à l’occidentale est-elle absente de l’esprit chinois ou bien s’est-elle réfugiée dans le taoïsme ? Pour répondre à cette question, il faut différencier trois taoïsmes : en Occident le taoïsme imaginaire, et en Chine le taoïsme lettré et le taoïsme populaire.