Trois réactions au deuil imprévu

Des psychologues ont suivi au long cours cinquante-deux personnes ayant chacune perdu un proche en même temps et dans des circonstances identiques : à savoir dans l’explosion de la mine de charbon Westray, à Plymouth, au Canada, en 1992. Contrairement à une perte due à une longue maladie, les survivants n’avaient pas pu s’y préparer. Qui plus est, les raisons de la catastrophe n’ont pas été déterminées, ce qui rend d’autant plus difficile de trouver un sens à l’événement. Les chercheurs ont identifié trois profils d’endeuillés, qui se sont installés au fil de huit années. Premier profil : ceux qui sont dévastés. Ils se sont effondrés, suivant les représentations traditionnelles de la réaction à un traumatisme. Toutes leurs certitudes sur la vie sont perdues. L’événement est un immense gâchis qui les a désabusés. Impossible pour eux, malgré leurs efforts, de trouver un sens à ce qui les a frappés. Ils n’ont donc rien appris, si ce n’est à côtoyer le cynisme. Deuxième profil : ceux qui sont parvenus à se reconstruire, qui ont connu une « croissance posttraumatique ». Ayant trouvé un sens personnel à cette expérience, ils se sentent plus forts et ont recentré leur vie sur l’essentiel. D’une manière ou d’une autre, ils pensent donc avoir appris de l’événement. Troisième profil : ceux qui ont résisté sans pour autant tirer des enseignements du drame. Ils n’ont pas trouvé de sens particulier à la catastrophe, tout simplement parce qu’ils n’ont pas senti la nécessité d’en chercher. Sans doute fatalistes, ils considéraient qu’il faut s’adapter à un monde où le meilleur et le pire se côtoient au hasard. Le deuil, si horrible fût-il pour eux, reste une mauvaise surprise possible. Ce sont les plus solides, ceux qui se remettent le mieux. Mais sont-ils globalement plus heureux ? Mystère.

• « Profiles of posttraumatic growth following an unjust loss »Christopher G. Davis , , vol. XXXI, n° 8, septembre 2007.