Trouble dans la pédopsychiatrie

Autistes, hyperactifs, dys… : toujours plus d’enfants sont dépistés. La palette des troubles infantiles s’élargit et les dispositifs médico-pédagogiques se multiplient. Abusivement ? La question divise.

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« Les dys : des troubles durables mais qui se prennent en charge », définit l’Inserm sur sa page dédiée aux troubles spécifiques des apprentissages, incluant l’hyperactivité (TDAH) 1 au tableau. Ils s’apparentent à ces handicaps invisibles, d’intensité variable et longtemps non détectés, comme ceux du spectre de l’autisme (TSA) 2 ou les troubles envahissants du développement (TED) 3. Autrefois, les enfants ainsi étiquetés passaient à l’école pour des cancres. En 2000, le rapport de Jean-Charles Ringard à l’Éducation nationale sur la dysphasie et la dyslexie change la donne, et en appelle à un plan d’action pour la prise en compte des troubles de l’apprentissage et du comportement. Nouveau tournant en 2005 avec la loi sur le handicap imposant la scolarisation de tous les enfants dans leur école de quartier. Handicaps visibles et invisibles y trouvent ainsi une place affirmée, mais le soutien aux enseignants ne suit pas, et les effectifs des réseaux d’aide aux élèves en difficultés (rased) 4 déclinent dès 2008.

Logiquement, les demandes d’aménagement de la scolarité, d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) 5, et de suivi chez l’orthophoniste ont fortement augmenté, sous l’effet de la multiplication des bilans (plus on cherche, plus on trouve) et du manque de moyens pédagogiques dont pâtissent les enseignants. Dès 2014, le sociologue Stanislas Morel dénonce dans une enquête cette médicalisation de l’échec scolaire, au détriment d’une prise en compte des facteurs socioculturels 6. On ne tarde pas à accuser à la fois l’école et les partisans de ces neurosciences génératrices de diagnostics et de remédiations neuropédagogiques de fabriquer le handicap. D’une part, ils stigmatisent ces enfants « particuliers », d’autre part, ils passent à côté de vrais problèmes psychologiques, familiaux ou sociaux. La polémique qui enfle est marquée par la rivalité entre deux camps. Par tribunes interposées, le psychiatre et psychanalyste Gérard Pommier, directeur de recherche à l’université de Paris, et le chercheur en sciences cognitives au CNRS Franck Ramus, membre du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, croisent le fer. Pour le premier, « les neurosciences sont utilisées par certains en contradiction avec les résultats les plus assurés 7 ». Pour le second, « les troubles dys ne sont pas du ressort de la pédopsychiatrie 8 ». Jean-Sébastien Eideliman en conclut que « la bataille entre psychanalyse et neurosciences est toujours vive sur ces terrains, même si le rapport de force penche désormais en faveur des secondes ».