Anthropologue, Nastassja Martin est l’auteure de Les Âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska (La Découverte, 2016) et de Croire aux fauves (Verticales, 2019). Elle a dirigé, avec Geremia Cometti, Pierre Le Roux et Tiziana Maniconne, Au seuil de la forêt. Hommage à Philippe Descola, l'anthropologue de la nature (Tautem, 2019).
Vous avez travaillé auprès des Gwich’in en Alaska, puis des Even au Kamtchatka (péninsule située à l’extrême ouest de la Russie, en bordure de l’océan Pacifique Nord). Pouvez-vous résumer la situation à laquelle ils font face ?
Pour mon premier terrain d’anthropologue, je suis en effet partie dans le nord-est de l’Alaska étudier l’animisme auprès des Gwich’in. J’y ai trouvé des gens débordés : d’abord par les effets du changement climatique, impliquant de gigantesques incendies, des crues et des animaux migrateurs aux habitudes transformées… Ensuite parce qu’ils sont confrontés à la fois aux institutions états-uniennes de conservation de la nature d’une part, et donc aux régulations drastiques de chasse et de pêche, et aux industries du pétrole d’autre part, qui font pression pour forer sur leurs territoires.
Le fait que ces peuples soient animistes affecte-t-il leur relation au milieu ?
Le principe clé de l’animisme est l’idée que vous partagez avec les animaux qui vous entourent quelque chose comme une âme, une intériorité commune, qui vous permet d’entrer en dialogue avec eux. Ce dialogue est poursuivi lors des rituels, pendant la chasse ou encore dans les rêves.