Comment prendre soin de nos aînés ? Le sujet est d’actualité depuis l’ouvrage Les Fossoyeurs (Victor Castanet, 2022) dénonçant les maltraitances constatées dans certains Ehpad. Dans sa pratique de psychiatre auprès de personnes âgées polypathologiques, Véronique Lefebvre des Noëttes utilise parfois la caresse, quand les mots ne suffisent plus à apaiser l’angoisse ou la souffrance. « Les vieux meurent de ne plus être regardés comme des personnes, de ne plus être caressés comme des êtres dignes de douceur, de tendresse et d’attention », écrit-elle. Caresser les mains, les bras, le visage permettrait de rétablir le lien, de ramener la personne dans l’ici et maintenant, de rassembler des « esprits morcelés » par la maladie d’Alzheimer. Son récit plein d’humanité questionne des soins devenus de plus en plus techniques, mécaniques et sans affect. Cette évolution a été encore renforcée par l’épidémie de covid que nous venons de vivre et par le déploiement du « sans-contact » un peu partout. Mais parler de caresses dans le soin reste une affaire délicate. En effet, le terme peut aussi évoquer aussi le désir et la sexualité qui n’y ont pas leur place. L’auteure spécifie qu’il s’agit de caresses empathiques, dont l’objectif est de redonner « élan vital » et « cohésion humaine ». Des études récentes aux États-Unis et en France attestent de ses bienfaits sur la santé, notamment en termes de diminution de l’anxiété et de la douleur. Des chercheurs ont aussi identifié ses effets bénéfiques sur le cerveau. Et, comble de l’ironie, des ingénieurs japonais ont même eu l’idée de concevoir des robots reproduisant les sensations d’une main humaine, à destination de personnes âgées isolées. Pour ne pas en arriver là, l’auteure en appelle à enseigner la caresse empathique dans les instituts de formation pour infirmiers et aides-soignants, où l’on apprend déjà des techniques de toucher relationnel ou de toucher-massage, mais qui n’intégreraient pas cette part émotionnelle et sensorielle de la caresse, qu’elle juge pourtant fondamentale.