«Qui se lance ? » À l’appel de Jean-Pierre, le formateur, Samia et Jeanne s’avancent. Elles participent à un atelier d’un nouveau genre, visant à diffuser les mots et gestes de premiers secours en santé mentale. Comment réagir, que dire, que faire, face à quelqu’un qui semble aller mal ? Ce jour-ci, les animateurs proposent un cas pratique pour comprendre les hallucinations auditives, fréquentes dans les troubles psychotiques. Samia reçoit pour consigne de faire la conversation à Jeanne : qu’a-t-elle prévu pour ses prochaines vacances ? Alors que cette discussion commence, une tierce personne, coanimatrice de l’atelier, se met à chuchoter à l’oreille de Jeanne : « Vous êtes poursuivie par la DGSE, il faut absolument vous méfier de Samia, qui pourrait être de mèche avec eux… »
L’idée de cette mise en situation ? Expérimenter la difficulté de se concentrer sur une conversation simple lorsqu’on entend des voix. Effectivement, Jeanne s’agite ; elle est tentée de répondre aux chuchotements de Tania, plutôt qu’à Samia qui, en face, persiste à parler de vacances. À la fin, les participants applaudissent. Samia hausse les épaules, penaude. Elle s’excuse auprès de Jeanne : « Je ne t’ai pas beaucoup aidée, ma pauvre. C’était très déroutant, d’être dans l’incapacité totale d’établir un contact. »
Les mises en situation sont au cœur de ces formations de secourisme en santé mentale. Elles abordent en deux jours les principaux troubles psychiques : dépressifs, anxieux, psychotiques et addictifs, un par un. En France, seule l’association à but non lucratif PSSM France (Premiers secours en santé mentale) est habilitée à délivrer ces formations. Créée en 2018, elle s’est directement inspirée d’un programme australien MHFA (« Mental Health First Aid »). En quelques années à peine, la demande a explosé. Les participants sont de tous âges et de tous horizons. Bien souvent, leurs motivations sont à la fois professionnelles et personnelles. Plusieurs travaillent auprès de jeunes, dans l’Éducation nationale ou le monde associatif, et souhaitent pouvoir les accompagner lors de crises d’angoisse parfois « impressionnantes ». Véronique, enseignante, constate ainsi une augmentation du phénomène depuis quelques années, ce qui la préoccupe. D’autres sont managers en entreprise et se sentent démunis face aux difficultés de leur équipe : anxiété, absentéisme, perte de productivité…