Une démoyennisation de la société française ?

La société française vivrait une « démoyennisation », c’est-à-dire un affaiblissement, voire une disparition de ses classes moyennes. Qu’en est-il ?

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Si la notion de classe moyenne parle à tout le monde, il est difficile d’en déterminer précisément les contours. Cinq approches en « ni ni » les caractérisent. Selon la statistique des niveaux de vie, elle désigne la catégorie centrale de la distribution des revenus, les ménages qui ne sont ni favorisés ni défavorisés. D’un point de vue subjectif s’identifient aux classes moyennes tous les individus qui ne s’estiment ni riches ni pauvres. Du côté du marché du travail, les actifs des classes moyennes se situent entre ceux qui exercent en haut de l’échelle des revenus et ceux qui sont contraints aux petits boulots mal rémunérés. Du point de vue des entreprises, les employés des catégories intermédiaires ne sont ni dirigeants ni exécutants. Sur un plan territorial, ces ménages vivent dans des quartiers qui ne sont ni huppés ni défavorisés 1.

De ces cinq approches « ni ni », il ressort des tableaux bigarrés, leur combinaison permettant un panorama général contrasté.

Certains observateurs signalent l’inéluctable déclassement des classes moyennes. D’autres les dépeignent en catégories, en réalité supérieures, déguisant leurs privilèges. D’autres, encore, estiment qu’elles ne vivent ni rétraction ni paupérisation, mais, au contraire, ascension et extension continues.

Le sociologue Louis Chauvel parle d’un « grand renversement » et d’une dérive des classes moyennes. Il emploie l’image du sucre dressé au fond d’une tasse : vue de haut, la partie supérieure de la classe moyenne semble intacte, tandis que la partie déjà immergée se dissout 2. Il met l’accent sur l’effacement du paradis promis pendant les trente glorieuses consistant en une mobilité sociale ascendante constante. Surtout, il insiste sur un fossé qui se creuse entre les générations aboutissant à la paupérisation relative des catégories sociales intermédiaires.