Une grande vague de complotisme ?

Devenu un enjeu de société, le complotisme attire l’attention de différentes disciplines et fait l’objet de débats au sein de la recherche.

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Ils croient à la théorie du « nouvel ordre mondial », à un complot des francs-maçons, que la CIA est impliquée dans l’assassinat du président américain Kennedy, ou encore que la Terre est plate… Les conspirationnistes donnent du fil à retordre aux chercheurs. Si la notion de théorie du complot – « conspiracy theory of society » – est introduite en 1945 par Karl Popper, des psychologues, sociologues, philosophes et historiens étudient davantage ce phénomène depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur la question : plusieurs approches se côtoient, se concurrencent parfois, et sont porteuses de différentes théories.

Les premiers débats portent sur la définition même du complotisme. Pierre-André Taguieff, philosophe, politiste et historien des idées, en propose une première : « Être complotiste, c’est croire qu’on peut expliquer un événement ou un ensemble d’événements sociohistoriques en le réduisant à l’effet de la volonté et de l’action d’un petit groupe d’individus agissant en secret, et jouant le rôle d’une cause unique cachée », déclare le directeur de recherche au CNRS 1. Pascal Wagner-Egger, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Fribourg, propose quant à lui sa définition élaborée après des années d’étude du sujet : « Ce sont des accusations graves de complot, sans preuve suffisante. Elles relèvent de la croyance. » Il parle alors de « religion du complot », qui est irrationnelle et se distingue de la méthode scientifique 2. Julien Giry, docteur en science politique (université RennesI), pose un autre regard sur le phénomène : « En science politique, en sociologie et en philosophie politique, nous définissons plutôt le conspirationnisme comme une vision du monde. Elle tend à faire de l’explication en termes de complot un schéma explicatif de l’ensemble des événements qui se produisent », déclare-t-il. Il pointe aussi le fait que cette démarche se présente comme très critique, car elle remet tout en question, sauf son idée de départ : l’existence d’un complot 3.