On a beau dire que la jeunesse est un bel âge de la vie, l’idée s’est peu à peu imposée dans de nombreux pays occidentaux que les jeunes étaient dorénavant promis à un destin peu enviable, au déclassement et à la précarité. Cette idée a sans doute à voir avec le sentiment décliniste général qui a gagné certains de ces pays. Mais les jeunes eux-mêmes, même s’ils partagent parfois avec leurs aînés une vision assez sombre de l’avenir de leur pays, ne sont pas autant gagnés qu’on le croit par l’idée d’appartenir à une génération sacrifiée. Ce constat ressort d’enquêtes internationales qui posent des questions sur le bonheur, la satisfaction de la vie menée, ainsi que sur le sentiment de déclassement et les peurs sociales et économiques. Qu’en ressort-il plus précisément ?

Tout d’abord, ces enquêtes montrent, contrairement à l’idée répandue, que les jeunes se déclarent massivement heureux (le plus souvent à 90 % très ou assez heureux). Ce qui peut surprendre, c’est que ce sentiment de bonheur paraît indépendant du niveau de développement économique du pays de résidence ; par exemple, 98 % des jeunes Vietnamiens se déclarent heureux, comme 92 % des jeunes Argentins malgré la terrible crise financière qui frappe ce pays et également 90 % des jeunes Allemands. Ce sentiment de bonheur est parfois un peu moins répandu dans certains pays occidentaux, même s’il reste largement majoritaire (79 % au Canada, 83 % aux États-Unis, 85 % en Australie). Bien sûr, comme le montre Claudia Senik 1, le bonheur est individuellement corrélé au revenu. Mais il ne l’est pas au revenu moyen du pays ; si l’on considère les personnes qui se déclarent « très heureuses », la corrélation entre la richesse du pays et le bonheur est même négative, chez les jeunes comme chez les adultes. Les jeunes des pays à bas revenu 2 se déclarent souvent deux fois plus « très heureux » que ceux des pays à très hauts revenus. Ainsi, beaucoup de facteurs, autres que le niveau de prospérité d’un pays, entrent dans la construction du sentiment de bonheur individuel.