Octobre 2003 : une nouvelle « affaire » de voile focalise l'attention des médias ; elle concerne deux lycéennes du lycée Henri-Wallon d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) qui viennent d'être exclues. Quelques mois plus tôt, un cas de bandana-foulard dans une école lyonnaise avait été au centre de controverses. Mais, à la différence des premières affaires de voile de l'année 1989, celles-ci paraissent n'être que la partie émergée d'un phénomène plus général : la montée de revendications particularistes qui, en dehors de l'école, gagnent d'autres institutions et secteurs de la société.
- L'université, avec l'apparition d'étudiantes voilées dans les amphithéâtres (mais aussi d'étudiants avec kippa).
- Le monde du travail, avec des « affaires » d'employées désireuses de conserver leur voile.
- L'hôpital, avec des maris exigeant que leur femme soit soignée par une autre femme, ou des patients qui rejettent les règles d'hygiène au nom de leur religion.
A quoi s'ajoutent les demandes d'horaires d'ouverture séparés dans les piscines municipales, les demandes d'autorisation de port du voile sur les cartes d'identité, etc.
Le voile comme révélateur
Au printemps 2003, le législateur se saisit du dossier (rapport Baroin sur la laïcité, mise en place d'une mission parlementaire par le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré). Puis intervient, fin juin, la décision du président de la République de mettre en place la commission Stasi sur « La laïcité dans la République ». Composée de 20 sages (universitaires, élus, représentants du monde de l'entreprise ou associatif, la médiatrice chargée des affaires de voile au ministère de l'Education nationale, une avocate, une proviseur), elle entreprend, de la mi-septembre au début de décembre, plus de 140 auditions avec des acteurs de terrain (responsables politiques, religieux, syndicaux, administratifs, associatifs, chefs d'entreprise et d'établissement, directeurs d'hôpital et de prison, etc.). Les sages effectuent également plusieurs déplacements dans les pays européens.
Plusieurs mois durant, la France débattra ainsi de laïcité au rythme des travaux de la commission mais aussi des émissions de télévision, de radio, des conférences... au point de susciter l'étonnement à l'étranger. Les débats paraissent d'autant plus complexes que trois questions s'enchevêtrent : pour ou contre le voile ; pour ou contre une loi interdisant le port de signes religieux ; pour ou contre le communautarisme (la reconnaissance de communautés religieuses mais aussi culturelles, ethniques) au sein de la République.
A la mi-décembre, la commission Stasi remet son rapport. Sa principale proposition : l'adoption d'une loi interdisant à l'école « les tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique ». Seuls les signes « ostensibles » seraient interdits (grande croix, voile, kippa) tandis que les signes discrets (médailles, croix, étoile de David, mains de Fatima, etc.) seraient tolérés. Pour mémoire, la circulaire Bayrou de 1994 interdisait les signes « ostentatoires ». Les universités sont, elles, invitées à adopter un règlement intérieur prohibant la récusation d'un enseignant en fonction de son sexe ou de sa religion présumée. Autre proposition phare : la reconnaissance de deux nouvelles fêtes légales, l'Aïd el-Kebir et Yom Kippour (aucun élève ne travaillerait ce jour-là) ; si elle devait être retenue, la France serait ainsi le seul pays non musulman et non juif à reconnaître ces deux fêtes.