Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler sur la transmission culinaire ?
En tant que parent, je me suis rendu compte que mes enfants ne mangeaient pas de la même façon chez leurs grands-parents et à la maison. Mes parents cuisinaient des recettes régionales, tandis qu’il n’y avait pas d’identité culinaire marquée chez moi, qui suis parisienne. Un jour, mon fils, qui n’aimait pas particulièrement les légumes à la maison, est rentré de chez eux et a déclaré à ma grande surprise : « j’ai mangé la soupe verte de mamie, c’est trop bon ! » Ma mère refait cette soupe chaque fois que les enfants viennent, c’est devenu une tradition. Nous avons d’ailleurs écrit la recette et je l’ai encore à la maison. Cette expérience m’a poussée à me demander plus généralement comment se transmettait un savoir culinaire auprès des jeunes générations. Je suis donc retournée sur les bancs de l’université pour faire une thèse sur le sujet. J’ai mené une étude qualitative auprès de quatre familles sur trois générations, sur une vingtaine d’individus, afin de comprendre le rôle de tout ce qui entoure la préparation et la consommation des repas.
Comment les traditions alimentaires se transmettent-elles ?
Le cas de figure le plus évident est quand l’aîné explique à l’enfant comment faire une recette. Le second cas de figure est moins facile à repérer car il est involontaire et non explicite. L’enfant apprend en mimant les parents et grands-parents, en observant leurs gestes et leurs comportements : cuisiner, mettre la table, etc. Les recherches en sciences sociales ont par ailleurs montré que, lors de l’enfance, une partie de l’apprentissage de la vie en collectivité se fait au travers de l’observation – la vue, l’odeur, les goûts et même les textures. Cette prise d’informations se fait sans intervention directe de l’adulte. Le sens de la transmission peut cependant différer selon les générations. Par exemple, si pour les parents le « bien-manger » s’apparente plutôt à une nourriture saine et équilibrée, pour les grands-parents, cette dénomination sera plutôt associée au plaisir.