Vers une société « arc-en-ciel »

La population des « papy-boomers » va exploser dans les prochaines années, donnant aux « vieux » des visages contrastés, entre troisième âge dynamique et quatrième âge dépendant.

Le terme de « vieillissement démographique » apparaît brutalement, à l'heure actuelle, dans nos sociétés développées, le plus souvent à l'occasion des débats sur l'avenir des systèmes de retraite et leurs modes de financement. On peut légitimement s'en étonner, car ce n'est que la résultante, lointaine sans doute mais inéluctable, d'un phénomène social connu de tous, le baby-boom. C'est aussi la conséquence de l'allongement de la durée de la vie aux grands âges. Mais ces éléments de changement ne sont pas encore clairement perçus dans notre société, encore sous l'emprise des schémas d'analyse élaborés dans les cinquante dernières années.

A quel âge est-on « vieux » ? La confusion actuelle est aggravée par l'existence d'un problème d'ordre sémantique : à quelle catégorie de personnes le terme de vieillissement s'applique-t-il ? Des concepts nouveaux apparaissent dans le droit social, les études de sociologie et dans le grand public lui-même : les travailleurs vieillissants, les seniors, les préretraités, les retraités. La difficulté principale concerne la fixation des âges limites qui déterminent le passage d'une catégorie à l'autre... Au cours des vingt dernières années, la dégradation de la situation de l'emploi avait amené à licencier prioritairement les travailleurs les plus anciens dans les entreprises. Cette politique, qui a été particulièrement développée en France, a conduit à relever le seuil du vieillissement très en amont des âges réels d'accès à cette situation par l'intermédiaire de deux pratiques très répandues : la préretraite appliquée, à partir de 55 ans, à un grand nombre de travailleurs en cours d'activité, quand cela n'a pas été à un âge moindre, comme dans la sidérurgie par exemple ; mais aussi le rejet dans les entreprises des actions de formation continue des travailleurs de plus de 45 ans, considérés comme « trop vieux » pour s'adapter à des techniques nouvelles. Pour ces raisons, les problèmes d'emploi de ces travailleurs sont souvent mélangés à ceux des personnes de plus de 60 ans, alors qu'ils sont très différents. Ils relèvent de pratiques d'entreprise et d'aides des pouvoirs publics, qui aboutissent, en définitive, lorsqu'elles se prolongent, à réduire le potentiel d'activité économique du pays, situation de plus en plus dangereuse, au fur et à mesure que le vieillissement réel se développe avec l'arrivée à ces âges des générations nombreuses, nées à partir de 1946. On peut considérer, en revanche, que le vieillissement commence entre 60 et 65 ans. C'est pourquoi il se trouve étroitement mêlé à la retraite, dont l'âge légal a été fixé à 60 ans en France, avec une garantie de taux plein à 65 ans.

Combien de retraités?

Avant le grand mouvement de départ en retraite qui va se produire dans les prochaines années, quel est le nombre des retraités ? Le calcul est particulièrement difficile à effectuer. Il faudrait pouvoir distinguer, de façon précise, les retraités de droit direct-, ceux qui ont acquis des droits personnels à une retraite pendant leur vie active, et les retraités de droit dérivé-, c'est-à-dire, pour la plupart, les conjoints survivants des précédents. Mais, dans les enquêtes effectuées, ces situations n'apparaissent pas toujours clairement pour deux raisons. Tout d'abord, parce que parmi les retraités vivant en institution, il y a un nombre non-négligeable de personnes handicapées que l'on peut difficilement considérer comme des retraités. Ensuite, beaucoup de femmes, épouses de retraités, se déclarent elles-mêmes retraitées, alors que juridiquement, elles ne le sont pas. Elles ne touchent pas, elles-mêmes, une pension. Pourtant, elles considèrent que c'est le ménage qui est retraité. D'après les calculs publiés récemment par le Conseil d'orientation des retraites-, le nombre des retraités de droit direct en juillet 1997 était d'environ 11 millions. Mais il y avait, à cette date, pour le seul régime général, 540 000 retraites versées à l'étranger. Le nombre des retraités à titre de droit dérivé reste mal connu.