L’acte fondateur de ce mouvement aujourd’hui très divers, baptisé pentecôtisme (les dénominations protestantes sont définies dans l'encadré ci-dessous) en référence à l’épisode de la Pentecôte décrit dans les Actes des apôtres, s’est joué au début du XXe siècle, dans le Sud et le Centre-Ouest états-uniens.
Après la guerre de Sécession, des protestants évangéliques s’inquiétaient des nouvelles mentalités accompagnant l’urbanisation et le développement du chemin de fer. Face à la diffusion des théories évolutionnistes de Charles Darwin, au rationalisme et aux lectures critiques de la Bible en vogue dans les églises urbaines du Nord-Est, ils ont formé des « mouvements de sainteté » qui aspiraient à renouer avec la religion d’autrefois et recherchaient une nouvelle « bénédiction » capable de répondre aux défis du temps. De nombreuses « écoles bibliques de sainteté » se sont ouvertes, comme celle de Topeka (Kansas) dirigée par le pasteur méthodiste Charles F. Parham (1873-1929). C’est là, en janvier 1901, qu’une jeune fille fit l’expérience du « parler en langues » : une suite de syllabes saccadées et incompréhensibles, interprétée comme le signe d’une visitation divine (le « baptême du Saint-Esprit ») et devenue depuis lors la marque distinctive du pentecôtisme ou, plus largement, de toutes les expressions du christianisme charismatique. Cette insistance sur les « dons du Saint-Esprit » (charisma) – parler en langues, mais aussi guérison, prophétie – transforme profondément le credo évangélique en l’orientant vers la recherche d’une expérimentation personnelle, émotionnellement intense, de tout ce que Dieu peut faire ici et maintenant.
L’effusion du Saint-Esprit
Une petite église, ouverte en 1906 au 312 de Azusa Street, dans le quartier noir de Los Angeles, par le prédicateur baptiste venu de Louisiane William J. Seymour, fait aujourd’hui figure de berceau légendaire du pentecôtisme. L’église du pasteur Seymour est présentée comme une illustration exemplaire de l’idéal protestant du « réveil », ces périodes d’effervescence religieuse où l’enthousiasme bouscule l’ordre social : tandis que C.F. Parham et d’autres figures fondatrices du pentecôtisme restaient partisans de la ségrégation raciale, ici Noirs et Blancs, hommes et femmes de toutes origines communiaient dans « l’effusion du Saint-Esprit ». Azusa Street, c’est aussi le symbole d’un christianisme libéré des pesanteurs de l’institution, des querelles théologiques et des étiquettes confessionnelles, alors que le pentecôtisme s’est très tôt divisé sur la doctrine et a suscité, de dissidence en dissidence, l’apparition d’une multitude de dénominations concurrentes.