À bord de l'Adamant, une psychiatrie à contre-courant

Ce centre d’accueil de jour, installé sur une péniche en plein cœur de Paris, se veut à la fois établissement de soins et lieu de vie. L’équipe soignante propose une approche particulièrement humaine de la psychiatrie

16905315930_TWI.webp

Lundispensable est ouvert ! » Patrice est patient de l’Adamant depuis l’ouverture du centre d’accueil de jour, en 2010, dans une péniche tout de bois vêtue, amarrée quai de la Rapée (Paris 12e). Au matin du lundi 22 mai, il copréside « Lundispensable », réunion hebdomadaire de l’établissement, avec Bruno, éducateur. Une trentaine de personnes, soignants et patients, sont déjà installées dans la pièce lumineuse, d’autres continuent d’arriver au compte-gouttes.

À l’ordre du jour, après le traditionnel accueil des nouveaux, certains points font mystère : l’Odyssée, l’invité Rhizome, la 500e de Travelling, et un « moment solennel » promis par un grand monsieur en costume soyeux rouge et noir.

Mais d’abord, les jardinières. « Certaines personnes y jettent leurs mégots, proteste Victor 1, bien qu’on ait tout ce qu’il faut comme cendriers ! » Les uns et les autres prennent des nouvelles des plantes. Les jasmins sont en fleurs, la lavande aussi, on s’en réjouit. Guillaume propose de mettre les épluchures de bananes en petits morceaux dans les pots en guise d’engrais, Bruno suggère de garder le marc de café pour le ficus. Arrive l’idée d’un compost : « On pourrait demander un bac à la mairie, c’est possible, ça, non ? »

S’ensuit une ribambelle d’annonces : le dernier atelier danse, rue du Temple (Paris 4e), cet après-midi ; jeudi, la 500e projection de Travelling, le ciné-club de la péniche (pour l’occasion, le film sera une surprise) ; vendredi, l’atelier culturel Rhizome, qui reçoit l’écrivain Stéphane Lambert ; en juin, une randonnée à Montmorency, et une visite à l’Odyssée, une association de chantiers navals de réinsertion, installée sur l’autre rive de la Seine.

publicité

« J’aimerais vous parler de la folie »

À onze heures, Bruno annonce le fameux « moment solennel ». René 1 se lève dans son beau costume. Il revient d’un voyage en Russie, pendant lequel il a acté son divorce – son ex-femme est russe. « J’aimerais vous parler de la folie, et du handicap. En Russie, je me suis battu dans un bar. Sur le retour, j’ai décidé, sur un coup de tête, de m’arrêter quelques jours à Helsinki. Je ne savais pas où dormir. J’ai rencontré des gens qui m’ont embarqué dans un festival sur les Beatles – Frédéric, j’ai pensé à toi. » Frédéric le salue, assis derrière le bar, des lunettes de soleil vintage sur le bout du nez.

« De mon périple, j’ai ramené un t-shirt et une tasse. C’était de la folie, et la folie, ce n’est pas seulement psychiatrique, et ça, c’est très important. Quant au handicap, il n’est pas forcément handicapant. Je suis revenu vivant. Et si vous voulez divorcer pour pas cher, épousez une Russe : en trois minutes et 2 000 roubles (20 euros), c’était plié. » « C’est roublard comme méthode », dit Frédéric, et tout le monde rigole. Il se lève pour venir serrer la main de René : « Je suis content de te voir. »