Alors, heureux ?

Jadis marginale, la question du bien-être de l’enfant devient 
aujourd’hui incontournable en psychologie. De nombreux colloques, recherches 
et ouvrages de vulgarisation s’emparent du sujet.

Jamais la question du bien-être individuel ne s’est autant (im)posée. Le bien-être des adultes, certes, mais aussi celui de nos bambins. Car depuis l’avènement de la pédiatrie, de la psychanalyse et de quelques travaux clés de la fin du XIXe siècle, les enfants, autrefois considérés comme de simples tubes digestifs et adultes en devenir, sont promus au rang d’individus à part entière. Des « personnes » dont il faut respecter la singularité, les désirs et les besoins. Si le règne doltoïste de l’enfant-roi semble en cours de déclin, la question de l’épanouissement de ces épicuriens en herbe est, quant à elle, sur le devant de la scène. Depuis une vingtaine d’années, et surtout depuis les cinq dernières, chercheurs et spécialistes s’attellent à la question de leur bien-être.

Mesurer le bien-être des enfants : un défi de taille

Mais comment le mesurer ? Sur quels critères objectifs se baser ? Lorsque les chercheurs en psychologie sociale souhaitent évaluer le degré d’épanouissement des adultes, ils peuvent toujours leur soumettre un questionnaire. Pour ce qui est des enfants, la question se corse, même si cette variable demeure complexe à estimer quelle que soit la tranche d’âge. « En général, on se base sur l’humeur. L’enfant est dans un état de bien-être lorsque son humeur est égale, stable, qu’elle se situe du côté de la gaieté et du dynamisme », nous répond Aldo Naouri, pédiatre, psychanalyste et auteur de L’Enfant bien portant 1. Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et auteur de Un enfant heureux 2 et de Françoise Dolto. La déraison pure 3, nous précise qu’un « enfant est heureux quand il est heureux d’être enfant, c’est-à-dire quand il se satisfait de son statut d’enfant, qu’il en accepte les règles et les contraintes ». Depuis quelques dizaines d’années, les spécialistes qui souhaitent évaluer le bien-être de ces hédonistes hauts comme trois pommes se focalisent alors sur des critères observables : l’enfant manifeste-t-il spontanément de la satisfaction ? Exprime-t-il des émotions positives ? S’engage-t-il de lui-même dans des activités ? Des consortiums de chercheurs ont développé des indices à l’échelle nationale et internationale sur la base de données empiriques 4. En Angleterre, le Child Well-Being Index (CWI) s’axe sur le bien-être matériel des enfants, leur santé, leur éducation, la délinquance, la qualité de leur logement et de leur environnement. Aux États-Unis, l’indice Child and Youth Well-Being se base sur sept domaines distincts, dont le bien-être économique de la famille, la présence de conduites à risque, la possibilité de tisser des relations sociales, le bien-être émotif et spirituel, les compétences scolaires, le degré d’engagement de la communauté, la santé.