Antidépresseurs : un choix collectif ?

Le penchant français pour les antidépresseurs se confirme. L'exigence de performance a longtemps été mise en avant pour expliquer ce phénomène. Elle laisse place à des interrogations sur les rôles de l'industrie pharmaceutique et du milieu médical.

La France compte aujourd'hui 5 millions de consommateurs d'antidépresseurs. Le Prozac et ses affiliés ont littéralement dopé ce marché, laissant derrière eux les premières molécules fabriquées à la fin des années 1950 (voir l'encadré, p. 61). Cette nouvelle génération d'antidépresseurs n'est pas plus efficace que les précédentes mais elle présente l'avantage de générer moins d'effets secondaires. Le succès des antidépresseurs ne saurait cependant s'expliquer par ce seul argument avancé par les laboratoires, et par ailleurs très contesté...

Record mondial de consommation

La France serait-elle frappée d'une épidémie de dépression ? Rien n'est moins sûr. Le besoin de soins pour ce trouble reste mal évalué. La fixation du seuil de pathologie a ici, en effet, quelque chose d'arbitraire, tant il est difficile de distinguer les réactions homéostatiques normales de tristesse des états dépressifs proprement dits. Les études épidémiologiques pour cette pathologie sont par conséquent peu nombreuses, difficiles à mettre en œuvre et souvent discutées. Leurs résultats varient beaucoup d'un pays à l'autre, voire d'une région à l'autre. Selon les études et les critères diagnostiques retenus, la prévalence du taux de dépression en France dans la population générale varie de 5,8 à 11,9 % 1.

La France n'en détient pas moins le record mondial de la consommation de médicaments psychotropes (antidépresseurs, hypnotiques, anxiolytiques). Le chiffre d'affaires des antidépresseurs a été multiplié par 6,7 entre 1980 et 2001. Cette tendance serait à la hausse, en dépit de contestations fréquentes sur l'efficacité et l'innocuité de certains de ces médicaments. Ainsi, par exemple, du risque de suicide associé aux antidépresseurs chez les enfants, rendu public ces derniers mois. Les pouvoirs publics s'inquiètent plus généralement de la multiplication des prescriptions non justifiées sur le plan médical et de la chronicisation des traitements.