Bouddha, Confucius, Socrate et les autres

La Naissance de la sagesse (900-200 avant Jésus-Christ) Bouddha, Confucius, Socrate et les prophètes juifs. Karen Armstrong, Seuil, 2009, 572 p., 29 €
Entre le IXe et le IIe siècle avant J.‑C. se seraient développées des spiritualités nouvelles, fondées sur le renoncement à soi, la compassion et la transcendance. Que penser de cette thèse de Karl Jaspers, reprise aujourd’hui par Karen Armstrong ?

Le philosophe allemand Karl Jaspers avait remarqué qu’entre le VIIIe et le IIIe siècle avant Jésus-Christ étaient apparues, dans plusieurs régions du monde, des spiritualités nouvelles : zoroastrisme en Iran, dieu unique en Israël, bouddhisme en Inde, confucianisme et taoïsme en Chine. En Grèce, la naissance de la philosophie, entendue comme « amour de la sagesse » relevait du même mouvement. Ces spiritualités avaient en commun d’être portées par de grands personnages : Bouddha, Confucius, Lao-tseu, Socrate, les prophètes d’Israël. Elles avaient aussi en commun de s’éloigner des religions traditionnelles centrées sur le rituel, le sacrifice et l’ordre social par l’appel à des sagesses plus individuelles, tournées vers la vie intérieure. K. Jaspers a appelé ce moment la « période axiale » de la religion. Dans La Naissance de la sagesse, après bien d’autres auteurs (1), l’essayiste britannique Karen Armstrong reprend et développe cette hypothèse.

Son livre est construit autour d’une périodisation longue (entre 900 et 200 av. j.‑c.) et suit, siècle par siècle, l’évolution religieuse parallèle aux quatre coins du monde. La « période axiale de la sagesse » est aussi celle de nombreux troubles, guerres, conquêtes et destructions. Elle s’achève avec l’émergence de nouveaux empires (Rome, l’Inde et la Chine) apportant une nouvelle stabilité.

En Chine, la période correspond à la dynastie Zhou. Les royaumes Zhou s’établissent sur une société féodale vers 1000 av. J.‑C. Les rituels et sacrifices jouent alors un grand rôle dans la religion centrée autour du roi considéré comme le « fils du Ciel ». Puis, à partir de 771 av. j.‑c., les Zhou orientaux prennent le pouvoir. On entre alors dans une longue période de désagrégation où les seigneurs acquièrent de plus en plus d’indépendance (période dite des « printemps et automnes », - 770/- 480) pour s’affronter directement à l’époque dite des « royaumes combattants » (de - 456 à - 221, date de la fondation du premier empire). C’est pour restaurer l’ordre ancien que Confucius va fonder une nouvelle éthique : celle de l’homme de bien, du bon père de famille et du gouvernant équitable, préférable à ses yeux à l’éthique de l’homme d’honneur, celle du chevalier combattant.

(1) Voir Shmuel N. Eisenstadt, New York University Press, 1986 ; Rodney Stark, HarperOne, 2007 ; Yves Lambert, Armand colin, 2007.