En 1845, une épidémie éclate à Boa Vista, île portugaise du Cap-Vert. Les habitants libres et les esclaves l’attribuent à un navire anglais ayant fait escale. Venu enquêter, un médecin britannique interroge les blanchisseuses qui lavaient le linge des marins. L’une d’elles, que le médecin qualifie de « négresse », explique que son frère « est tombé malade après avoir transporté des cadavres à enterrer ». Selon l’historien Jim Downs, qui rapporte l’histoire, ce type d’informations contribua à l’élaboration du savoir épidémiologique au 19e siècle. Celui-ci ne se serait donc pas construit par la seule observation des épidémies des grandes villes occidentales, mais aussi grâce aux études faites sur les populations captives telles que soldats, esclaves et sujets colonisés. La puissance administrative des empires coloniaux a permis de récolter, centraliser, analyser et partager ces données. L’épidémiologie serait donc pour partie fille du colonialisme, de l’esclavage et de la guerre.