Ce que la religion a fait au sexe

Les grandes religions sont-elles contre le sexe ? Au nom de principes assez divergents, toutes se sont du moins employées à l’encadrer, avec plus moins de sévérité et d’ambition.

Certaines des plus grandes confessions ont fait de la chasteté un idéal suprême. C’est – en gros – le cas du christianisme, qui, dès les enseignements de saint Paul, fait le lien entre le péché originel et celui de la chair. Plus encore, dans les premiers siècles, l’abstinence totale est de mise chez les encratites 1 : selon eux, la virginité de l’homme et de la femme est le plus sûr moyen de salut. Marcion de Sinope (85-120) recommande de n’accorder le baptême qu’à ceux qui renoncent au mariage. Les Pères de l’Église romaine – qui combattront les précédents – sont certes moins sévères : ils conçoivent que le mariage soit, pour ceux qui ne peuvent se contrôler, la solution la plus vertueuse. Mais ils jettent le discrédit sur toute activité génitale qui n’aurait pas pour fin la reproduction dans le cadre conjugal. Du coup, l’accouplement devient un devoir, et non un plaisir. D’où ces idées tristes leur viennent-elles ? Certes, l’Ancien Testament condamnait la fornication, la masturbation et la sodomie. Mais pour le reste, il n’accablait pas l’amour conjugal et encourageait les fidèles à « croître et multiplier ». Les Évangiles, eux, ne disent pas grand-chose. Selon Pierre Hurteau 2, cette démonisation du sexe est un apport dont les sources sont la morale romaine, le stoïcisme grec et la tendance érémitique. Les deux premières donneront lieu à la doctrine – à peu de chose près inchangée jusqu’à nos jours – de l’Église catholique en matière de sexualité conjugale : un mal nécessaire et un devoir. La dernière fournit son modèle au monachisme chrétien et, sans doute, au célibat des prêtres catholiques.