Chine : quand le climat dictait les guerres

Les aléas climatiques de ce dernier millénaire ont marqué l’histoire chinoise. Ponctué par deux périodes de refroidissement majeur et 
leur cortège de troubles militaires, le règne de la dynastie Ming en porte témoignage…

Le règne de la dynastie Ming court de 1368 à 1644. Il fut marqué par deux périodes de refroidissement, qui figurent parmi les trois phases les plus froides de l’histoire du IIe millénaire. La première période, de 1448 à 1487, s’imbrique dans un moment de très important affaiblissement interne de la dynastie. Les conditions climatiques adverses et les pénuries alimentaires causèrent également de sérieuses difficultés dans le territoire au nord de la Grande Muraille, habité par les Mongols mais contrôlé par l’empire. Les nomades intensifièrent leur pression sur les Ming, ce qui culmina en 1448-1449 par une invasion destructrice de la Chine du Nord.

En Chine même, des soulèvements contre le gouvernement prirent place dès le milieu des années 1440, dans les régions frontalières du Zhejiang, du Fujian et du Jiangxi, provinces qui ne furent ramenées sous contrôle de l’empire qu’au début des années 1450. La même période vit aussi des armées ming initier une série de campagnes militaires coûteuses en Chine du Sud-Ouest et en Birmanie du Nord. En juillet 1449, alors que les tensions – liées à ce que nous pouvons en juger à des conditions climatiques en nette détérioration – sur les frontières nord et nord-ouest empiraient, Esen, chef des Mongols oirats, entreprit une invasion à grande échelle de la Chine. Elle déboucha sur une campagne désastreuse pour l’empereur ming, capturé par l’envahisseur alors même que les forces d’Esen avançaient jusqu’aux murailles de Pékin.

Bien que le gouvernement ming réussît à pacifier relativement ses relations avec les Mongols oirats dans les années qui suivirent, les problèmes de sécurité persistèrent. Entre 1450 et 1456, les armées ming furent appelées à écraser des soulèvements dans les provinces de Guizhou, Huguang, Guangdong, Fujian, Zhejian et Sichuan. Qui plus est, le refroidissement s’aggrava au tournant des années 1450-1460, et il semble qu’il ait nourri des tensions croissantes entre Chinois et Mongols, expliquant le rôle que jouèrent des Mongols dans le coup d’État contre l’empereur ming de 1461. Fomenté par des membres de la cour ming écartés du pouvoir, le complot échoua.

Heureusement, cette période de refroidissement fut relativement brève et modérée. Elle avait été précédée d’une longue phase chaude, qui a pu autoriser le stockage de volumes de grains conséquents contribuant à préserver le pouvoir d’État. Dans les décennies qui suivirent cet épisode froid, une nouvelle ère de réchauffement contribua à attiser l’éclat de ce moment dit des « Grands Ming ». Au milieu du XVIe siècle, la guerre se limitait à quelques efforts consentis pour dissuader le chef mongol Altan Khan de lancer ses troupes dans une nouvelle invasion, et à des opérations de chasse aux wakô, ces pirates « japonais » qui pillaient la façade maritime orientale chinoise. Mais ni Altan Khan ni les wakô ne posaient de menace sérieuse à l’Empire Ming.

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Après les Mongols, les Mandchous

Le destin du régime fut scellé par la deuxième grande période de refroidissement, le moment le plus glacé de ce dernier millénaire. La saison des récoltes en Chine était alors de deux semaines plus courte qu’elle l’est aujourd’hui. Alors que les conditions météorologiques se dégradaient en cette fin de XVIe siècle, le gouvernement ming fit face à un nombre croissant de défis militaires. Ne citons que les plus importants : la rébellion de Shandong en 1587 ; les attaques répétées depuis la frontière du nord-ouest par les Mongols dits « ordos » ; les raids des Mongols orientaux en Mandchourie ; les hostilités entre troupes birmanes et chinoises le long de la frontière du sud-est ; les incursions vietnamiennes à travers la frontière du sud ; et une longue rébellion qui enflamma la Chine du Centre et de l’Ouest.