Tel Janus, le personnage de la mythologie, Noam Chomsky (né en 1928) a deux visages. C'est d'abord le linguiste de renom, père de la grammaire générative qui a eu une influence décisive sur la linguistique contemporaine. Rappelons que sa théorie suppose l'existence d'une grammaire universelle, qui serait commune à toutes les langues du monde. Formulé pour la première fois au milieu des années 50, son programme de recherche en est à la cinquième version. Après avoir inspiré des milliers de recherches de part le monde, le programme piétine quelque peu, faute d'avoir à ce jour découvert les règles universelles de la langue. Parallèlement, N. Chomsky est aussi un agitateur, critique impitoyable du capitalisme américain. Sous cette casquette d'intellectuel critique, il mène une activité débordante : livres, articles, conférences se succèdent.
Les intérêts de quelques maîtres du monde
L'abondance de sa production n'a d'égale que la radicalité de ses propos. Ces dernier mois sont parus en français sous sa plume plusieurs livres aux titres évocateurs : Le Pouvoir mis à nu (éd. Ecosociété, 2002), Deux heures de lucidité (éd. des Arènes, 2001), La Loi du plus fort (avec Ramsay Clark et Edward W. Said, Le Serpent à plumes, 2002), 11 septembre. Autopsie des terrorismes (Le Serpent à plumes, 2001).
Pour N. Chomsky, les choses sont claires : le monde moderne est gouverné par quelques grands groupes capitalistes auxquels l'Etat est asservi. Leur seul but est de satisfaire les intérêts de quelques maîtres du monde. Les médias sont totalement subordonnés à ce système capitaliste et les intellectuels en sont les complices plus ou moins conscients.
Ces déclarations radicales seraient de peu de poids si elles ne s'accompagnaient de dossiers assez bien ficelés sur les dessous de la politique étrangère américaine, sur le fonctionnement des médias, sur le mécanisme des élections, qui, à défaut de confirmer ses thèses, ont le mérite de heurter de plein fouet le conformisme intellectuel.
Quels liens entre ses engagements politiques et sa théorie linguistique ? Apparemment aucun ; si ce n'est que N. Chomsky pense que le langage et la société moderne sont gouvernés par quelques lois simples ; et qu'il serait le seul à les avoir mises à nu.
