Comment enseigner la vigilance aux élèves ?

Résister à la désinformation numérique requiert une pensée analytique. Les élèves peuvent la mobiliser sciemment en apprenant à maintenir leur cerveau en alerte.

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À l’ère numérique, les enseignants regrettent souvent que les élèves n’aient pas pris la peine de douter lorsqu’ils rapportent en classe des fake news ou des « vérités alternatives » glanées sur Internet. D’autant que certains brandissent fièrement leurs trouvailles pour s’opposer aux savoirs scolaires, déboulonnant ainsi l’école en tant que source d’accès à la vérité.

L’école entend en retour enseigner un scepticisme raisonnable aux élèves. Le défi est de taille, car la dépréciation des manières spontanées de penser des élèves et les arguments d’autorité ne fonctionnent pas ; il ne suffit pas de leur démontrer magistralement qu’ils se trompent pour qu’ils renoncent aux croyances qu’ils se sont progressivement forgées dans leur « entre-soi digital ». De plus, ils risquent de considérer cette tentative de redressement comme un signe d’appartenance de celui qui la commet au réseau des « pseudo-experts mainstream » – à la solde des puissants –, qu’ils soient journalistes, enseignants ou scientifiques.

Des pistes moins invasives sont donc à inventer. Une d’entre elles, la pédagogie de la métacognition, se fonde sur l’idée du sociologue Gérald Bronner selon laquelle les personnes ont des raisons de penser comme elles pensent, même si elles n’ont en réalité pas toujours raison de penser de cette manière 1. Il existe en effet des explications rationnelles et parfois légitimes de penser de travers, l’essentiel étant que les élèves prennent conscience des forces qui les poussent à penser de la sorte. Pour cela, on leur fait découvrir petit à petit les trois systèmes de pensée modélisés par Oliver Houdé 2, à partir de la célèbre distinction de Daniel Kahneman. En effet, si nous pensons souvent faux sur Internet, c’est parce que nous y abordons spontanément les informations, en compréhension et en production, à l’aide d’un système 1 de pensée, archaïque, intuitif, rapide mais approximatif. Si nous nous donnions la peine d’enclencher un système 2, plus systématique et plus analytique mais plus énergivore, notre pensée s’affinerait. Pour mettre en branle ce système algorithmique plus rigoureux, encore faut-il qu’un système 3 tire la sonnette d’alarme et détecte le danger d’un déficit probable de rationalité.