Comment les entreprises s'adaptent

On sait, aujourd'hui, que ce ne sont pas les nouvelles technologies par elles-mêmes qui changent l'organisation des entreprises. Le changement est produit par l'offre technique et par les réactions des entreprises, au cours d'un processus d'ajustement, généralement lent et sinueux. Cela est particulièrement vrai pour les technologies de l'information et de la communication (TIC). Elles constituent plus qu'une nouvelle vague d'innovations et représentent un véritable changement de paradigme.

Evidemment, un changement technique majeur perturbe les routines de production et les méthodes de management ainsi que les rapports de force établis. S'il n'est pas accepté au niveau des individus et surtout à celui de l'organisation, il est rejeté définitivement ou reporté à plus tard. L'histoire industrielle est riche de produits mort-nés, d'inventions sans lendemain et de délais considérables séparant l'invention théorique de sa diffusion de masse. Le principe de la télécopie, par exemple, a été découvert au milieu du xixe siècle alors que le fax ne se développe massivement qu'à partir des années 80.

En dépit de la pression du discours publicitaire en faveur des « autoroutes de l'information », il faut donc se garder de prendre les souhaits légitimes des offreurs de nouveaux outils et ceux des entrepreneurs innovants pour les réalités de demain. Par des effets d'annonce, souvent repris dans les médias, les industriels tentent de produire la demande et de créer des marchés. Mais toutes leurs prévisions ne se réaliseront pas.

La compétition industrielle s'aiguisant et changeant de régime (portant plus sur la vitesse de mise sur les marchés que sur les rapports qualité/prix), il est certes possible que la généralisation des TIC soit exceptionnellement rapide. Mais il ne faut pas oublier que c'est le rythme des évolutions sociales et organisationnelles qui, étant le plus lent, impose la vitesse du changement.

Des avancées techniques réelles

Les nouvelles TIC se développent selon trois principes : l'accroissement de la puissance informatique (la « loi » de Moore-), l'augmentation des débits (et la compression des données) et la numérisation généralisée. A ces progrès s'ajoutent ceux réalisés depuis une vingtaine d'années en génie logiciel qui résultent de la convergence de recherches théoriques ambitieuses et d'applications plus opératoires. Les insuffisances du langage C, en particulier, ont conduit au langage C++ qui constitue un changement de point de vue dans la conception des programmes. Ces langages représentent une avancée technique considérable dont les premières applications ont été les interfaces graphiques des micro-ordinateurs, puis le développement de la logique client-serveur, et aujourd'hui la technologie agent dont le développement est stratégique pour des réseaux de type Internet.

Tous ces progrès ont potentialisé une fonction essentielle des ordinateurs, la fonction de commutation 1. Un ordinateur est un calculateur puissant mais surtout un commutateur capable d'établir à très grande vitesse des liaisons entre les éléments d'un ensemble aussi grand soit-il. C'est à partir de là qu'ont pu se développer les hypertextes qui représentent une véritable révolution dans le mode de lecture. Au lieu de chercher une information dans un océan de données, on affiche ce qui est recherché et l'ordinateur le trouve automatiquement. Il s'agit du même principe dans la navigation hypertextuelle entre différents serveurs. C'est ce qui a fait le succès grand public d'Internet en donnant naissance au Web. Les données du Web constituent ainsi une sorte d'hypertexte mondial et les agents intelligents peuvent en faciliter la consultation et même réaliser, dès maintenant, des transactions simples, voire dialoguer et négocier entre eux. Beaucoup de progrès sont à attendre dans ce domaine de la navigation dans les réseaux, en particulier grâce à l'introduction d'interfaces en langage naturel.