Comment s'acquiert le langage

Alors que les spécialistes du langage ont longtemps considéré que son apprentissage commençait vers 12 mois, les travaux récents de la psychologie du développement s'intéressent à son acquisition dès la vie intra-utérine.

Partout dans le monde, les enfants apprennent sans la moindre difficulté leur langue maternelle. S'ils sont sourds, ils ne tardent pas à acquérir les subtilités complexes de la langue des signes. Contrairement à l'apprentissage de la lecture ou de l'écriture, nul besoin de leçons pour apprendre une langue parlée ou signée. L'expérience et le développement y pourvoient tout simplement. Et pourtant, comment ne pas être saisi de la complexité des formes linguistiques que les enfants sont capables de produire ? Ils savent parler et faire des signes à propos du présent, du passé, du futur. Ils parviennent à se référer à des événements imaginaires ou à des concepts abstraits. Le langage leur permet d'informer, mais aussi de tromper ou de tricher. Ils sont capables de jouer avec la langue, de construire de nouveaux mots ou de transformer le sens des mots usuels.

Le langage est un système qui permet le changement dynamique et la flexibilité. Il joue un rôle essentiel dans la vie des êtres humains, à la fois véhicule d'interactions sociales et outil infiniment créatif permettant de représenter la réalité, mais aussi les expériences et les sentiments les plus hypothétiques. La trajectoire complexe qui mène l'enfant à apprendre les diverses composantes de sa langue maternelle est l'un des aspects les plus passionnants de la psychologie humaine.

L'acquisition du langage est un voyage qui commence dans l'univers liquide de la matrice et se poursuit tout au long de l'enfance et de l'adolescence, et même au-delà. Au cours de cette longue période d'apprentissage, l'enfant est confronté à d'innombrables défis. Depuis les tentatives maladroites du nourrisson qui s'efforce de produire avec son système articulatoire, avec sa bouche, sa gorge et son larynx les sons particuliers de sa langue maternelle, jusqu'aux tâches bien plus complexes qui, plus tard, consisteront à produire et à comprendre de longs récits, les capacités langagières de l'enfant connaissent de nombreux changements. Les progrès réalisés dans les techniques de recherche nous permettent désormais de suivre cet étrange voyage avec une précision jamais atteinte.

Des expériences intra-utérines précoces

Dans le passé, la littérature consacrée à son acquisition situait l'apparition du langage aux environs du douzième mois, lorsque les enfants produisent leurs premiers mots reconnaissables. Nous réalisons aujourd'hui que l'acquisition se trouve engagée bien avant cette date, avant même la naissance. Après vingt semaines de gestation seulement, le système auditif du foetus est suffisamment développé pour lui permettre de traiter certains des sons qui filtrent à travers le liquide amniotique. Le foetus perçoit une cacophonie de gargouillis et de grondements provenant du corps de sa mère, avec en bruit de fond le rythme incessant de ses battements de coeur. Ces bruits constituent pour lui une stimulation auditive précoce. Mais ce qui le stimule bien plus encore, ce sont tous les sons du langage qui lui parviennent ainsi filtrés.

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A partir du sixième mois, le foetus consacre l'essentiel de son temps d'éveil à traiter ces sons linguistiques si particuliers, à se familiariser avec les qualités uniques de la voix de sa mère et avec la langue (ou les langues) que celle-ci parle. Il commence également à être sensible à la prosodie (aux intonations des phrases et aux éléments rythmiques qui marquent les mots) qui structure sa parole. Durant les trois derniers mois de sa vie intra-utérine, le foetus est très occupé à écouter les conversations de sa mère, ce qui constitue une préparation très importante à sa vie dans le monde extérieur. Doté d'une certaine expérience de la perception des sons du langage, le nouveau-né arrive au monde, disposé à accorder la plus grande attention aux paroles des humains, et en particulier à la voix de sa mère. Ces expériences intra-utérines précoces préparent le nouveau-né aux stimulations linguistiques, et l'on peut, par conséquent, estimer qu'elles jouent un rôle important dans le processus d'ensemble du développement du langage.