Convivialisme, le bonheur sans la croissance

Un manifeste récent, signé par une centaine de chercheurs, entend réformer en profondeur les principes de la société, pour vivre mieux alors que la croissance économique disparaît.

La croissance économique, mesurée par le PIB qui quantifie la production des richesses par les ménages, les entreprises et les institutions, est indéniablement en berne dans de nombreux pays : elle atteint à peine 1,1 % en France pour l’année 2015. En cause notamment le chômage fort qui empêche de nombreux citoyens de consommer. Or, de plus en plus de chercheurs estiment que la croissance et la consommation ne doivent pas être un but en soi. En 2013 paraissait ainsi un « manifeste convivialiste », un texte signé par une centaine de chercheurs, qui vise à accompagner sur le plan des idées les espoirs d’une société postnéolibérale portés par différents mouvements citoyens. Le point de départ de ce mouvement remonte à une rencontre à Tokyo en juin 2011 entre le sociologue Alain Caillé, les économistes Marc Humbert et Serge Latouche et le philosophe Patrice Viveret. « Une société conviviale est-elle possible ? », se demandaient les participants, en hommage au penseur de l’écologie politique Ivan Illich. Ce dernier mettait en lumière la contre-productivité de nombreuses institutions, une fois celles-ci ayant atteint un certain niveau de complexité bureaucratique 1. A. Caillé a suggéré de mettre en commun les idées d’un certain nombre de mouvements critiques. Selon lui, le problème n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre la croissance. En effet, les faits sont là : dans un contexte de capitalisme rentier et spéculatif, il n’y a plus de croissance dans les pays riches, et elle est même en voie de diminution dans les pays émergents. De toute façon, celle-ci est insoutenable à terme sur le plan écologique. Dès lors, si la démocratie ne repose plus sur la seule perspective d’un enrichissement infini pour tous, sur quelles valeurs faut-il la fonder ? A. Caillé propose alors d’utiliser le mot de convivialisme et publie dans la foulée, avec ses trois collègues, un livre intitulé De la convivialité 2. Le mouvement convivialiste était né.