D'où vient le sens des mots ?

Tout le monde sait qu’un mot peut avoir des interprétations différentes et être employé pour désigner des choses différentes : le mot « souris » désigne aussi bien un petit mammifère qu’un dispositif de manipulation de l’ordinateur. Mais le fait qu’un même mot présente des interprétations variables ne signifie pas pour autant qu’il s’agit de sens différents, sauf à certaines conditions précises.

L’assimilation souvent faite entre variation interprétative et variation sémantique 1 est à l’origine de nombreuses équivoques. Il faut donc démêler ce qui est réellement variation sémantique et ce qui ne l’est pas.

Premièrement, il faut écarter les variations interprétatives personnelles ou subjectives. Même si Jacques et François ont une conception différente de la vertu, ce n’est pas pour autant que l’on dira que le mot « vertu » a des sens différents. Pour la même raison, il faut écarter les variations historiques et géographiques, puisqu’elles n’appartiennent pas à un même ensemble de locuteurs : le sens du mot « courage » varie peu aujourd’hui, mais il a changé depuis le xviie siècle.

En deuxième lieu, il faut bien distinguer les variations qui sont le lot de la construction dans laquelle s’intègre le mot, et celles qui sont propres au mot lui-même. Ce n’est pas parce que l’on interprète « Paul a mangé du lapin » comme « Paul a mangé de la viande de lapin » et « un lapin s’est échappé » comme « un lapin (animal) s’est échappé » qu’il faut assigner à lapin une variation entre « lapin-viande » et « lapin-animal ». La différence d’interprétation porte sur l'ensemble du groupe nominal (du lapin ou un lapin). Elle n’implique donc ni un changement d’interprétation, ni un changement de sens du mot « lapin ».