Durant quelque trois millions d’années, l’humain a été chasseur-cueilleur. Nomade, il a vécu de prédation sur son environnement. Sa population n’a probablement jamais dépassé le million d’individus. Puis, à partir d’il y a 40 millénaires, à la faveur d’une pause dans la dernière glaciation globale, d’autres comportements se manifestent. Presque rien au début : des concentrations de populations autorisées par un milieu très riche en gibier, quelques signes ostentatoires de richesse (comme à Sungir, Russie), des processus de sédentarisation, dont les mieux étudiés, au Moyen-Orient et au Japon, s’esquissent il y a 20 000 ans, en dépit d’une ère glaciaire qui atteint alors son apogée.
Ensuite le réchauffement planétaire fait son œuvre : vers - 9000 (les dates sont exprimées avant le début de notre ère), la steppe des climats froids recule massivement dans tout l’hémisphère Nord et cède la place à une forêt fertile. La zone désertique de l’actuel Sahara verdoie. Les plaines du Moyen-Orient* 1 se couvrent de céréales. L’abondance des ressources semble favoriser un essor démographique. La montée des eaux oblige sans doute à migrer des côtes vers l’intérieur des terres. La concentration de populations entraîne en tout cas une transformation du mode de subsistance, une subordination progressive du milieu en mesure de nourrir une masse de gens plus importante que le triptyque chasse-cueillette-pêche. Le chien était depuis longtemps un commensal de l’homme, au statut particulier. L’humain sélectionnait déjà, par glanage, certaines plantes. Mais si le Néolithique, l’âge des producteurs, est vu comme une révolution, c’est qu’il opère à l’échelle planétaire, en quelques milliers d’années, un triple processus de domestication : des plantes, des animaux, et aussi des humains en sociétés hiérarchisées.
Première explosion démographique
Entre - 10 000 et les débuts de notre ère, la population mondiale serait passée de 2,5 (5 au maximum) millions de personnes à 250 millions, soit une multiplication par un facteur de 50 à 100. Il faudra attendre le 20e siècle pour connaître un bond comparable. Cet essor résulte de la conjonction de divers facteurs, qui favorisent la natalité. Ainsi, dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, les femmes allaitent généralement plus longtemps (une méthode de contraception naturelle), et ont un enfant tous les trois à cinq ans en moyenne. Le taux de fécondité atteint un enfant par an dans les sociétés agricoles, peut-être parce que la sédentarisation amène les femmes à interrompre l’allaitement pour reprendre le travail. Dans les deux cas, une importante mortalité infantile (un enfant sur deux mourant avant ses 5 ans) entrave plus ou moins fortement la démographie.
Les sociétés ayant fait le choix de l’agriculture ont connu une complexification croissante, qui leur a permis d’assimiler ou de repousser les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Les dernières agonisent aujourd’hui, reléguées dans les endroits les plus marginaux du Monde, du désert du Kalahari aux jungles de l’Amazonie, en passant par les îles Andaman.
Le cadre géographique des échanges
Le Croissant fertile* 3 n’est pas le seul foyer des processus néolithiques. S’il a connu une néolithisation plus précoce qu’ailleurs, il le doit à sa situation continentale autorisant des contacts d’ouest en est, sans barrière physique incontournable : via le Moyen-Orient, les peuples d’Asie et d’Europe peuvent échanger, de proche en proche, en restant dans des milieux plus ou moins tempérés et en évitant le massif himalayen par le nord (Asie centrale) ou le sud (péninsule indienne).