• L’histoire nationale
La première histoire à être élaborée selon une volonté « scientifique » se veut récit national. Dès le xixe siècle, des historiens, tel Jules Michelet (1798-1874) en France, construisent l’épopée de leur pays. Cette histoire-là, déterministe et chronologique, est jalonnée de dates pivots et écrite par les grandes figures, de Vercingétorix à Napoléon, en passant par Clovis ou Jeanne d’Arc. Le point de vue dans ce type d’histoire est toujours celui des « dominants », soit les pays européens « civilisés ».• L’école des Annales
Les deux fondateurs de la revue Annales, Marc Bloch (1886-1944) et Lucien Febvre (1878-1956), sont animés d’un même refus de l’histoire politique traditionnelle (« l’histoire-bataille ») et de la volonté de développer une « nouvelle histoire », une histoire des sociétés et des mentalités qui s’appuierait sur les sciences humaines (la sociologie notamment), qui privilégierait les structures aux événements, la longue durée de la vie des gens ordinaires aux sautillements de l’actualité dans la vie des têtes couronnées. Ainsi, les premiers repères du grand récit national commencent à être brouillés.• L’économie-monde de Fernand Braudel
Prenant la direction des Annales après-guerre, l’historien Fernand Braudel (1902-1985) insuffle une nouvelle direction à l’histoire sociale. Son ouvrage majeur, Civilisation matérielle (1979) propose une histoire du monde sur quatre siècles, privilégiant les aspects économiques et sociaux plutôt que les événements politiques. Il y développe une explication des fondements mêmes du capitalisme et à travers lui du monde moderne, en défendant l’idée que l’échelle mondiale est toujours nécessaire même pour comprendre les éléments les plus localisés de l’histoire.F. Braudel propose de voir dans le monde du xve siècle non pas une simple juxtaposition d’aires civilisationnelles, mais un ensemble d’économies-mondes. Selon lui, « ces économies coexistantes qui n’ont entre elles que des échanges extrêmement limités se partagent l’espace peuplé de la planète ». Or aux xve puis au xviiie siècle, l’économie-monde européenne change d’échelle et se projette à l’échelle mondiale. Les raisons de la rapidité de ce passage sont à chercher dans la dynamique du capitalisme européen : c’est la capacité de celui-ci à créer des échanges inégaux qui va permettre à l’Europe de structurer l’espace du marché mondial.
• L’histoire des mentalités
Que se passe-t-il dans l’esprit des gens à une époque donnée ? Quel est leur « outillage mental » ? L’histoire des mentalités, en projet dès le début des Annales, est développée par Jacques Le Goff, qui met en lien des études diverses qui relèvent de l’histoire des attitudes face à la mort, ou par Georges Duby pour comprendre l’imaginaire du Moyen Âge. Cette approche sera l’un des étendards de la nouvelle histoire dans les années 1980. Mais dix ans plus tard, plusieurs historiens, comme Roger Chartier, cherchent à « en finir avec les mentalités » : il s’agit de se démarquer d’une histoire qui enfermait les mentalités d’une époque dans un cadre mental unique et englobant.• L’anthropologie historique
Le terme d’« anthropologie historique » exprime une vaste ambition de saisir les hommes du passé dans leur environnement matériel et symbolique, à la manière dont les ethnologues étudient les sociétés dites « traditionnelles ». Il est apparu chez les historiens des Annales dans les années 1960 lorsque l’on a commencé à percevoir les limites d’une histoire quantitative essentiellement fondée sur l’économie et la démographie. L’un des initiateurs du genre est Philippe Ariès avec son Histoire des populations française et de leur attitude devant la vie depuis le xviiie siècle (1948). Aujourd’hui, l’anthropologie historique s’est fondue dans la catégorie plus vaste de l’« histoire culturelle ».• La géohistoire
La géohistoire, inventée par des géographes dans les années 1980, consiste à prendre en compte simultanément l’espace et le temps des sociétés (voir l’encadré p. 46).• Postcolonial, cultural, subaltern… studies
Les auteurs anglo-saxons de l’école des subaltern studies ont été les premiers, au milieu des années 1980, à insister sur la nécessité de redonner voix aux « sans-voix » de l’histoire coloniale. Ils se sont attachés, pour cela, à déconstruire « l’archive coloniale », à pointer les contraintes idéologiques qui ont pesé sur les premiers travaux d’histoire coloniale.Dans leur sillage, les praticiens des cultural studies ont initié une analyse « textuelle » du colonialisme, qui a abouti à la formation d’un domaine académique autonome : celui des postcolonial studies, qui se donnent pour objet et objectif, selon les termes de l’historien indien Dipesh Chakrabarty, une « provincialisation de l’Europe » : soit la critique et la refonte de catégories d’interprétation considérées comme peu objectives, car imprégnées de la pensée européo- centriste.
• World history
Le courant anglo-saxon de la world history opère à partir des années 2000 une tentative de synthèse des apports antérieurs. il va s’attacher à sortir des cadres nationaux, à multiplier les points de vue (occidentaux et non ocidentaux, comme l’avait fait l’historien britannique Arnold Toynbee dans une perspective comparativiste des civilisations), s’intéresser aux transformations culturelles…, englobant le tout dans une vision d’ensemble.