De la nature comme système

Consacré à la physique, le tome I de La Méthode, intitulé La Nature de la nature, pose le problème de l’organisation de l’Univers comme système complexe, intégrant la relation paradoxale d’ordre et de désordre fondamental.

En 1973, Edgar Morin amorce le grand chantier de La Méthode, avec comme arrière-plan historique l’expression d’une profonde rupture épistémologique. Deux visions de la science s’opposent. D’un côté, la conception classique héritée de Galilée et d’Isaac Newton. De l’autre, une approche en rupture, qui accompagne l’émergence de nouvelles disciplines scientifiques telles que la physique quantique et la thermodynamique.

Pour Morin, la ligne de fracture qui oppose ces deux paradigmes de la science se situe très précisément dans leur vision respective des notions d’ordre et de désordre. Tandis que la théorie classique reposait sur la considération d’une nature régie par un ordre immuable, la nouvelle science propose une réintroduction des notions de désordre et d’incertitude, jusqu’ici exclues du champ scientifique. Il s’agit dès lors de repenser l’univers, non plus comme une grande mécanique d’horloge immuable et régie par des lois et régularités, condamnée à la répétition, sans naissance ni fin.

Le monde physique est vu désormais comme traversé par le désordre, l’agitation et la désorganisation. C’est la thermodynamique qui a permis d’établir le concept de désordre en démontrant l’existence de l’entropie. La physique quantique, quant à elle, a établi qu’à l’échelle quantique, les particules n’ont pas d’identité propre : cette vision bouleverse totalement les fondements de la physique traditionnelle. Tantôt particule tantôt onde, élément ou événement, la matière échappe en permanence à une approche univoque. Loin d’être figée, sa nature va en s’indéterminant. Sa substance se désagrège et change de forme selon la méthode d’observation employée. Par ailleurs, la cosmologie des années 1930 nous a appris que l’univers est en expansion, que la fuite des galaxies a été déclenchée par une déflagration originelle, le big-bang.