De Sun Yatsen à Mao, un siècle de sang

De 1912 à 1976, la Chine a sombré dans les guerres, les famines et la dictature maoïste, avant d’amorcer son redressement.

Le « 20e siècle court » chinois couvre une période qui va de la chute de l’Empire mandchou (1911) à la mort de Mao Zedong (1976). Un intervalle qui voit se succéder des guerres civiles, un conflit interminable avec le Japon, et de meurtrières famines. Durant ces années dramatiques, les dirigeants chinois ont eu à relever un triple défi : comment rattraper le retard de leur pays, qui avait manqué la révolution industrielle ? Comment restaurer la souveraineté chinoise, mise à mal par les humiliants « traités inégaux » imposés par les grandes puissances depuis les guerres de l’Opium ? Comment moderniser la Chine et en faire une nation « prospère et forte » (fuqiang) ?

Un âge d’or de la bourgeoisie

La première République chinoise fut frappée de paralysie dès son début, car ses dirigeants pensaient au-dessus de leurs moyens. Son premier président, Sun Yatsen, envisageait un gouvernement construit sur le modèle démocratique nord-américain. Mais il avait dû démissionner, sitôt élu, au profit d’un militaire, le général Yuan Shikai. En effet, son projet politique reposait sur une base sociale trop étroite, dans une Chine encore massivement rurale, dominée par les élites locales formées de propriétaires fonciers. La faiblesse de la bourgeoisie ne permettant pas la construction d’un État solide, la Chine connut à partir de 1917 une décennie d’anarchie militaire : ce fut le temps des « seigneurs de la guerre ».

Toutefois, la présence étouffante des grandes puissances connut une éclipse durant la Première Guerre mondiale. Ce répit permit au jeune capitalisme chinois de connaître un rapide essor : on peut parler d’un « âge d’or de la bourgeoisie ». Quand la Chine, qui avait rejoint le camp des vainqueurs du conflit à partir de 1917, découvrit que le traité de Versailles avait transféré de l’Allemagne au Japon le contrôle sur sa province du Shandong, une vague de manifestations et de grèves donna lieu au « mouvement du 4 mai 1919 », qui dénonçait la responsabilité du confucianisme dans la faiblesse de la Chine. Il proposait de substituer à l’idéologie confucianiste les valeurs de l’Occident : démocratie et science.

Dans ce contexte de crise politique et sociale, Sun Yatsen établit à Canton un gouvernement sécessionniste. Ayant reçu l’appui de la jeune URSS, il négocia un accord avec le minuscule Parti communiste chinois, dont les membres furent admis au Guomindang (GMD). En janvier 1924, le GMD fut réorganisé sur le modèle autoritaire léniniste. Une vague de grèves contre la répression du jeune mouvement ouvrier par les autorités anglaises à Shanghai puis à Hong Kong, connue sous le nom de « mouvement du 30 mai 1925 », créa un rapport de force favorable à la dénonciation du militarisme « semi-féodal » et de l’impérialisme.