Qu'est-ce que l'éducation ?

Sociologie, psychologie, histoire, économie, didactique… Les sciences de l’éducation, discipline récente et composite, génèrent un champ de recherches riche et dynamique, autour de l’éducation et de la formation, devenues des préoccupations centrales des pays développés.

Un garçon fait de la balançoire en souriant

© Myles Tan/Unsplash

Depuis les années 1960, les pays développés ont impulsé et accompagné une formidable croissance des appareils éducatifs et de formation : allongement des scolarités, développement des formations pour les adultes… L’éducation est devenue un champ d’étude, d’autant plus aisément que les effectifs de chercheurs et de cadres de l’éducation et de la formation devenaient plus nombreux.

En France, on repère trois moments forts durant lesquels la puissance publique a cherché à promouvoir le rôle de l’éducation : la Révolution ; la mise en place de la république laïque au passage du 19e siècle au 20e siècle ; la transformation moderniste des années 1960. À chacun de ces moments, la réflexion académique et savante s’est trouvée renforcée, tout en faisant l’objet de débats importants.

Un siècle après une période révolutionnaire d’intenses réflexions sur les structures et les contenus d’enseignement, un projet universitaire et politique donne lieu à une première institutionnalisation : Ferdinand Buisson et Émile Durkheim occuperont à la Sorbonne la chaire de « science de l’éducation » (l’expression est alors employée au singulier).

Celle-ci s’effilochera et ne survivra que dans les cours de « psychopédagogie » des écoles normales d’instituteurs ou de professeurs de l’enseignement technique. Durant une grande partie du 20e siècle, on se préoccupera de penser l’éducation essentiellement dans des mouvements d’action pédagogique, les mouvements d’éducation populaire (très actifs dans la première moitié du 20e siècle) et les écoles normales d’instituteurs.

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L’institutionnalisation d’une discipline

Dans les années 1960, l’éducation devient un véritable champ de recherche dans les sciences sociales. Apparaît alors une volonté de créer une discipline autonome, les « sciences de l’éducation », qui vont englober à la fois la pédagogie et la philosophie de l’éducation (la psychopédagogie des écoles normales d’instituteurs), mais aussi les travaux sociologiques, psychologiques, démographiques, historiques, économiques, etc., ainsi que des approches scientifiques nouvelles comme les didactiques disciplinaires, l’évaluation des élèves, l’administration de l’éducation…

Les transformations des systèmes éducatifs induisent en outre la demande de compétences nouvelles : adaptation aux « nouveaux publics » qui fréquentent les divers cycles d’enseignement, demande croissante en matière de formation d’adultes, nécessité aussi de planifier l’éducation dans les pays en développement.

Un mouvement de formalisation des sciences de l’éducation a lieu dans tous les pays industrialisés (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Belgique, Allemagne…), même s’il est différent selon l’histoire de chaque pays. En France, une licence de « sciences de l’éducation » (au pluriel cette fois) a été instaurée par l’arrêté du 2 février 1967 et les filières et départements qui leur sont consacrés se sont largement développés depuis.

Une multitude de recherches

La recherche en éducation constitue aujourd’hui un domaine très dynamique, qu’elle soit le fait de laboratoires universitaires, d’instituts de recherche (comme l’Institut national de recherche pédagogique ou le CNRS en France) ou, de plus en plus fréquemment, de réseaux internationaux de chercheurs et d’enseignants.

Au fil du temps, les thématiques ont évolué. Elles ont pour partie épousé les cheminements des sciences humaines dans la même période : passage des analyses macro (grande échelle) au micro (petite échelle), regard porté sur les stratégies et les cultures des acteurs (élèves, enseignants, familles, etc.), développement des sciences cognitives.

Les années 1970 représentent un âge d’or de la sociologie de l’éducation et de la réflexion pédagogique.

La première est dominée par la sociologie de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron (Les Héritiers, 1964 ; La Reproduction, 1970), qui souligne les inégalités socioculturelles en matière de réussite scolaire, même si les analyses de Raymond Boudon et celles de l’historien Antoine Prost veulent tempérer le poids de ces déterminismes sociaux.

Sociologues et psychologues se penchent sur l’échec scolaire qui, avec l’allongement des scolarités et la demande croissante d’éducation de la part des familles, devient une préoccupation majeure. À travers la notion de « handicap socioculturel », ils analysent les facteurs familiaux, sociaux ou culturels qui peuvent l’expliquer.

La réflexion pédagogique, imprégnée des idées de 1968, est centrée sur Jean-Jacques Rousseau et les penseurs de l’éducation nouvelle, la non-directivité de Carl Rogers, et les expériences de psychologie sociale menées surtout aux États-Unis par les disciples de Kurt Lewin (comme la fameuse expérimentation de Ron Lipitt et Robert W. White sur les modes de commandement, les leaderships dans les groupes).

À partir des années 1980-1990, les sociologues s’intéressent aux fonctionnements internes du système éducatif et à la responsabilité des établissements, des enseignants, des procédures d’orientation, des programmes ou des curriculum dans l’inégalité des parcours scolaires (sociologie du curriculum). La question du sens que chaque élève donne à sa scolarité et du rapport au savoir est mise en avant.

La psychologie cognitive commence à s’appliquer à l’éducation en examinant les démarches cognitives des élèves (comment modifier les représentations erronées ? comment développer les démarches métacognitives ? comment se font les transferts des apprentissages ?).

La réflexion pédagogique est détrônée par le succès grandissant des didactiques disciplinaires qui s’appuient sur une réflexion épistémologique ainsi que sur la psychologie de l’apprentissage.

Plus globalement, l’interrogation sur les savoirs, ses modes de constitution, d’acquisition, leur place dans le processus d’éducation et de formation suscite une multitude de travaux

La recherche en éducation au début du 21e siècle

Ces orientations continuent de se développer, tout en se polarisant, en Amérique du Nord comme en Europe, autour de deux grands domaines.

  • L’un, lié à la psychologie et à la didactique, sert directement les processus d’enseignement ou de pilotage pédagogique.
  • L’autre, lié à la sociologie ou à l’économie, est rattaché aux politiques d’éducation et à la demande des gouvernements des pays de l’OCDE.

Ainsi, de nombreuses recherches empiriques tentent d’éclairer les décideurs pour penser et parfois panser les systèmes éducatifs et mettre en œuvre des politiques éducatives. Ces recherches alimentent d’ailleurs des débats de société passionnés.

En France, par exemple, les tenants des savoirs et de la culture académique (appelés « républicains » car défenseurs du système scolaire mis en place par Jules Ferry) croisent le fer avec les « pédagogues », qui voudraient que l’école adapte ses méthodes à la diversité – culturelle, sociale et individuelle – des élèves qui la fréquentent désormais.

Faut-il, aussi, « donner plus à ceux qui ont moins » et instaurer des mesures de « discrimination positive » (affirmative action) en faveur des élèves les plus défavorisés ? C’est le choix qu’ont fait de nombreux pays, mais, en France notamment, la question continue à faire débat.

Faut-il encore, face à l’hétérogénéité croissante des publics scolaires, privilégier l’enseignement d’une « culture commune » (et laquelle ?) qui serait destinée à lutter contre l’exclusion, les ségrégations ou autres communautarismes ?

Les comparaisons entre les différents pays, même si elles sont parfois difficiles à établir, se multiplient, via les réseaux de chercheurs et/ou sous l’impulsion de grands organismes internationaux, stimulent ces recherches (cf. enquêtes de l’OCDE, de l’Unesco, l’enquête PISA ou Program for International Student Assessment…)