La Révolution, un rêve à reconstruire

La Révolution française a ouvert une parenthèse d’espoirs impossibles et pourtant incarnés, trop vite refermée.

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La Révolution française engage une dynamique qui vient déchirer non seulement l’expérience mais l’imaginaire de ceux qui l’entreprennent. C’est pourquoi Edgar Quinet pourra affirmer que « la Révolution française a ramené la foi en l’impossible ». Il faut, pour comprendre cette dimension utopique, faire la liste de tous ces impossibles dépassés.

Vers l’égalité

En premier lieu, ne pas mettre l’accent sur la réunion des États généraux, ou sur la réunion des trois ordres en Assemblée nationale, mais insister sur la fin même de cette tripartition en ordres. En réclamant que les trois ordres du royaume, noblesse, clergé et tiers états, ne soient pas séparés pour vérifier la légitimité des élections de chaque député (ce qu’on appelle « la vérification des pouvoirs en commun »), il s’agissait 1) de faire advenir des élus qui soient des individus égaux à tout autre, et 2) de les réunir pour prendre des décisions en commun. L’individu subvertit alors radicalement la société d’ordres.

C’est ainsi que sont décidés les gestes qui donnent naissance à l’Assemblée nationale constituante. Mais l’abolition des privilèges le 4 août 1789 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le 26 août vont beaucoup plus loin, en mettant fin à ce schéma des trois ordres du royaume au profit d’individus égaux, et donc de représentants et de représentés pleinement égaux. Le roi refuse d’abord de ratifier ces décrets d’août. Il faut les journées d’octobre pour obtenir ces signatures. En contraste, rappelons qu’il faut attendre 1999 en Grande-Bretagne pour que les lords perdent le privilège de s’opposer aux volontés législatives de la Chambre des communes, et que 600 des quelque 700 pairs héréditaires soient remplacés par des membres désignés et toujours pas élus. Cette question de l’égalité des êtres comme membres du peuple souverain était bien une utopie. Elle devient un imaginaire puis un projet qui conduit les femmes, les étrangers, les libres de couleurs et les esclaves à revendiquer cette égalité de citoyenneté pleine et entière. Revendications utopiques ? Certes, car les femmes n’obtiennent pas le droit de voter et de porter les armes, mais elles sont des militantes actives ; les libres de couleurs ne deviennent citoyens qu’en 1792, l’esclavage n’est aboli qu’en 1794 – il sera rétabli par Napoléon Bonaparte en 1802.