Le développement durable est en théorie une synthèse parfaitement équilibrée entre trois domaines complémentaires. L'économie, d'abord : il faut produire de la richesse pour assurer aux hommes de meilleures conditions de vie. Le social, ensuite : il faut redistribuer ces richesses et agir de façon équitable pour permettre de lutter contre la pauvreté et de diminuer les inégalités, facteur de violence et d'instabilité politique. Enfin, l'environnement : il faut agir en respectant les écosystèmes de façon à ne pas compromettre l'avenir. S'ajoute à ces trois domaines une quatrième dimension, transversale, celle de la solidarité entre les générations.
Le développement durable est donc en principe l'alliance des trois M 1 : il recense les manques et les misères de l'humanité (problèmes de la faim, de l'accès à l'eau potable, de la santé, de la grande pauvreté...) pour proposer des moyens à mettre en œuvre afin de les pallier. Il s'est imposé petit à petit dans les discours internationaux à partir des années 1990, pour devenir au fil du temps un concept de plus en plus glouton. Aujourd'hui, tout est décliné sur le mode durable, même l'entreprise, le tourisme ou l'agriculture.
Environnement et nature idéalisée
Mais le développement durable n'est pas seulement une mode : l'afficher comme objectif conditionne désormais les programmes internationaux de coopération, et donc la ventilation des financements attribués à tel ou tel secteur ou zone géographique, au détriment des autres.
Et c'est là que le bât blesse car, dans les faits, le développement durable se résume de plus en plus au respect de l'environnement. Des trois volets initiaux, l'un a pris le pas sur les autres de façon de plus en plus affirmée, comme le montrent les sites Internet consacrés au développement durable : il n'y est question que de lutte contre la déforestation, de réchauffement climatique, de préservation de la biodiversité. Dans ce glissement, qui n'est pas seulement un glissement sémantique, mais qui se traduit aussi par un glissement des priorités et des financements, les ONG ont joué un rôle essentiel. Tout se passe comme si le devenir de la planète était devenu plus important que celui de l'humanité. Comme si l'homme était devenu une menace pour la nature, une nature idéalisée, à laquelle il ne faudrait surtout pas porter atteinte. Les catastrophes naturelles ne sont plus vues que comme la vengeance d'une nature agressée contre un homme irresponsable et proliférant. Une vengeance presque justifiée face à laquelle nous sommes exhortés à faire notre mea-culpa. A lire les documents diffusés par certaines ONG de l'environnement, les sociétés humaines sont devenues des parasites qui ont bien cherché la façon dont la nature détruit leurs habitats, les inonde, les assèche, les rend malades, les affame.
Si la nébuleuse des ONG, qui n'a cessé d'enfler depuis la fin de la guerre froide et l'avènement des NTIC, et particulièrement Internet, regroupe des mouvements très disparates, les ONG d'environnement y tiennent une place à part. Contrairement à celles qui se réclament de l'altermondialisme, et se positionnent « contre » les instruments actuels de la gouvernance mondiale (Etats, institutions financières internationales, Organisation mondiale du commerce...), les ONG de défense de l'environnement, elles, travaillent depuis longtemps avec les pouvoirs publics.