« Cornucopiens » contre « néomalthusiens »
Dans The Wizard and the Prophet (2018), le journaliste américain Charles Mann oppose l’agronome Norman Borlaug, le père de la « révolution verte » qui fit exploser les rendements agricoles, et l’écologue William Vogt, qui sonna l’alarme sur les risques de surpopulation de la planète. Une des lignes de fracture qui animent le débat environnemental oppose ainsi ceux qui considèrent que de nouvelles technologies permettront d’affronter les défis de l’avenir, et ceux qui défendent qu’il ne peut exister « de croissance infinie dans un monde fini », selon une formule du rapport « Les limites à la croissance » du club de Rome (1972). Le camp « cornucopien » est ainsi nommé, souvent pour s’en moquer, en référence à la corne d’abondance de la mythologie. Tout aussi péjorativement, le camp « néomalthusien » voit dériver son surnom de l’économiste Thomas Malthus (1766-1834), qui suggéra des mesures drastiques de contrôle des naissances. Leur affrontement pose notamment la question de la fiabilité de la prévision, par exemple autour de l’épuisement des ressources.
« Décroissance », « sobriété heureuse » ou « abondance frugale » ?
Le mot « décroissance » fait souvent peur en renvoyant l’écho d’une dégradation des conditions de vie. Dans Le Monde (10/12/21), le philosophe Bruno Latour (1947-2022) lui préférait ainsi celui de « prospérité », affirmant par exemple que ce dernier permettait d’incarner l’idée d’un « progrès dans la qualité de vie », expurgée de « l’obsession pour la production destructrice ».À son image, de nombreux penseurs de l’environnement ont opté pour des termes alternatifs.