Marie et Jean-Paul se séparent. Elsa, leur fille, reste avec sa mère et retrouve son père un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Une situation classique, sauf que Marie supporte mal cette séparation qu’elle a pourtant initiée. Dès le début, elle s’oppose à toutes les demandes du père qui voudrait voir sa fille plus souvent. Petit à petit, elle dresse Elsa contre lui en lui faisant croire que son père ne s’intéresse pas à elle. Tout devient prétexte pour disqualifier Jean-Paul aux yeux d’Elsa. Marie prétend qu’il alourdit inutilement son cartable, qu’il ne paie pas la cantine, qu’il est rigide et qu’il exploite sa fille en lui faisant faire des travaux ménagers. Leur relation se dégrade, Elsa devient de plus en plus agressive vis-à-vis de son père. Un jour, lassé de son insolence, Jean-Paul finit par la gifler. Elsa se réfugie chez sa mère qui l’amène au commissariat pour porter plainte. Aux policiers, elle se dit terrorisée par son père qu’elle décrit comme un bourreau. Sa mère demande la suppression des droits parentaux. S’ensuivent des années de procédures judiciaires qui finissent par innocenter le père. La justice reconnaît la manipulation de la fille par sa propre mère.
Les huit symptômes d’aliénation parentale
Cet exemple, évoqué par le psychologue Jean-Pierre Cambefort dans son livre Famille éclatée, enfants manipulés 1, décrit ce que le pédopsychiatre américain Richard Gardner a désigné en 1985 pour la première fois comme syndrome d’aliénation parentale (SAP). Le terme « aliéner » n’est pas à prendre dans le sens « rendre fou » ici, mais plutôt dans l’idée « rendre étranger, éloigner ». R. Gardner définit huit symptômes qui permettent de qualifier l’aliénation parentale.
1. Le dénigrement. L’enfant médit le parent disqualifié, dit qu’il le déteste et qu’il ne veut plus le voir.
2. Des rationalisations faibles. La haine qu’exprime l’enfant n’est pas ou peu justifiée. Il peut évoquer des broutilles, du style « il m’oblige à finir mon assiette à table ».
3. L’absence d’ambivalence. L’enfant ne trouve aucune qualité au parent rejeté et ne se souvient plus d’aucun souvenir agréable.
4. Le penseur libre. L’enfant ne reconnaît pas qu’il est sous l’influence d’un de ses parents et revendique son libre arbitre.
5. Le soutien au parent aliénant. L’enfant prend systématiquement la défense du parent qui accuse. Il pense que l’autre parent le persécute.
6. L’absence de culpabilité de l’enfant. L’enfant ne ressent aucun remords vis-à-vis du parent rejeté, même si celui-ci exprime sa peine de ne plus le voir.
7. Les scénarios empruntés. L’enfant répète des faits entendus de la bouche du parent gardien et les reprend à son compte. Il peut, par exemple, reprocher à son père de « violer la vie privée » de sa mère.
8. Le dénigrement étendu à l’ensemble de l’entourage du parent rejeté. L’enfant ne rejette pas seulement l’un de ses parents, mais aussi toute sa famille, ses amis et parfois même son animal domestique.
Dans sa description de l’aliénation parentale, R. Gardner différencie trois niveaux. Dans les stades léger et moyen, l’enfant reste coopératif, malgré la présence de certains de ces symptômes. Mais au niveau grave, les visites chez le parent non gardien deviennent impossibles. L’enfant adhère totalement au discours de l’autre parent. Dans certains cas extrêmes, il peut même proférer des fausses accusations de maltraitance ou d’abus sexuels. Mais attention, lorsque ces accusations sont véridiques, il n’est évidemment plus question de parler d’aliénation parentale. R. Gardner se situe dans l’hypothèse d’un enfant manipulé par l’un de ses parents.