Des thérapies plus efficaces que d’autres ?
Les psychothérapies d’inspiration cognitive et comportementale font aujourd’hui partie des outils privilégiés dans le traitement du psychotraumatisme. Si la psychanalyse a longtemps imposé ses conceptions du traumatisme en France, on assiste depuis quelques années à une montée en puissance des approches cognitives et comportementales (TCC). Sur la forme, le cadre psychanalytique type, tel que défendu par les puristes, avec un positionnement passif, une expression neutre, voire muette, risque de ne pas convenir à des personnes encore tétanisées et en recherche de soutien moral avant tout. La formule plus souple des psychothérapies dites d’inspiration analytique, où le thérapeute se montre davantage empathique et loquace, semble mieux convenir dans ces situations.
Sur le fond, les théories cognitives ont conduit à un changement de paradigme. La névrose traumatique, concept clé de la psychanalyse, a cédé sa place au stress posttraumatique, s’appuyant davantage sur des explications neurobiologiques. Dans la pratique, les thérapies analytiques s’intéressent plutôt à l’analyse globale du récit de vie, tandis que les TCC ciblent plutôt des réflexes comportementaux précis et des pensées déformées, mis en place à l’issue d’un traumatisme (accident, agression, deuil brutal…). Selon l’approche cognitive, un traumatisme bouleverse nos croyances d’invulnérabilité, de contrôle, de prévisibilité des évènements. Le drame ne correspond à rien de comparable en mémoire pour celui qui le subit. À défaut de sens, c’est l’émotion brute qui prédomine (flashs, pensées intrusives, cauchemars…). Tout ce qui rappelle la situation traumatique va réactiver les mêmes réactions de peur, d’évitement, d’effondrement. Pour contrer ces automatismes, les TCC vont utiliser des techniques d’exposition, soit en imagination, soit dans la vie réelle, pour aider la personne à affronter ses peurs.
Dans la thérapie d’exposition en imagination enseignée par exemple par la psychologue Edna Foa à l’université de Pennsylvanie, le thérapeute lui demande de relater en détail l’évènement traumatique en insistant sur les émotions éprouvées à chaque moment. Le travail de reconstruction cognitive permet de questionner ses fausses croyances (« je ne contrôle rien », « tous les hommes sont des violeurs », « je suis en danger partout »…) et de les modifier ensuite. C’est en se confrontant à ses peurs, en allant sur les lieux du drame ou en acceptant de raconter en détail les évènements que la personne va apprendre à les apprivoiser. Elle pourra alors réévaluer le degré réel de la menace et questionner ses réflexes d’évitement qui ne font que renforcer ses peurs.
Une autre forme de thérapie très en vogue actuellement est l’EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), recommandée notamment par la Haute Autorité de santé dans le traitement du traumatisme. Cette méthode singulière s’inscrit dans la logique des TCC. C’est une sorte de reformatage cognitif des souvenirs traumatiques qui consiste à associer des idées positives aux images traumatiques pour chasser les conceptions négatives. « je peux dire » doit se substituer à « je ne peux rien dire », « j’ai de la valeur » remplacer « je ne vaux rien », etc. L’EMDR a la particularité de s’appuyer sur des stimulations bilatérales (gauche/droite) principalement oculaires, mais occasionnellement aussi sonores ou tactiles. Ces stimulations seraient susceptibles de renforcer le travail de restructuration cognitive. Mais l’utilité des mouvements oculaires dans ce processus est discutée et ne fait pas l’unanimité.
Marc Olano
Cellules psychologiques : rien ne sert de courir…
Pendant le confinement du printemps 2020, une cellule d’aide psychologique, téléphonique, a été mise en place par le gouvernement « au bénéfice des personnes qui en auraient besoin ». L’objectif était d’orienter les appelants vers des intervenants spécifiques, le cas échéant. Qualifier de « cellule d’aide psychologique » une plateforme de routage pour des sujets angoissés frôle l’abus de langage : au sens strict, une cellule d’aide psychologique est proposée après exposition directe à un événement traumatisant (agression, accident, qu’on soit victime, témoin ou aidant), et non en réponse à une peur diffuse occasionnée par la marche du monde.
Il existe trois temps dans la prise en charge consécutive à un traumatisme. Formalisé en 1993 par le psychologue américain Jeffrey Mitchell, le defusing, pratiqué immédiatement après l’événement, remplit une fonction d’accueil et de mise en sécurité plus que d’expression approfondie de la parole et des émotions. Le débriefing psychologique, formalisé en 1983 par le même J. Mitchell (à l’origine uniquement pour les aidants), est une séance unique de groupe prenant place au moins 24 heures après l’événement, où les personnes qui y ont été confrontées ensemble sont invitées à faire part de leur ressenti, puis informées sur leurs symptômes (l’ippi, ou intervention psychothérapeutique postimmédiate, est une version française du débriefing, initiée par le psychiatre Louis Crocq en 1997). Dans un troisième temps, une thérapie de groupe ou individuelle peut assurer un accompagnement au long cours.