Bernard Andrieu est professeur à l’université Paris-V, et auteur de Bronzage. Une petite histoire du Soleil et de la peau, CNRS, 2008.
Dans quelle tenue prenait-on des bains de mer encore au début du 20e siècle ?
Avant la Première Guerre mondiale, la justification du bain est essentiellement thérapeutique : on cherche à se revigorer dans l’eau froide. Les baigneurs sont accompagnés, ils entrent dans la mer en se guidant avec des cordes et ils ne nagent pas : ils se jettent dans les vagues. Des cabines tirées par des chevaux permettent aux dames de se changer et de plonger dans l’eau pratiquement sans être vues. Ça n’avait rien de ludique, ni de sportif et encore moins d’exhibitionniste : les maillots étaient en laine et couvraient presque tout le corps.
Quand a-t-on commencé à se découvrir un peu ?
Il faut attendre les années 1920 pour que les gens se découvrent et montrent leurs formes, hommes et femmes. Le seuil de la pudeur, c’est la cuisse. Les hommes portaient des maillots couvrant le haut du corps jusqu’au bas des cuisses. Pour les femmes, ça pouvait descendre plus bas. On ne montrait surtout pas le ventre. Les premiers pas vers la tenue de bain moderne sont faits par certaines nageuses sportives qui commencent vers 1912 à porter des maillots moulants. Au début, il y a donc une justification sportive. L’usage va ensuite déborder ce cadre. Annette Kellerman porte ce maillot d’abord dans des compétitions de plongeon. Puis elle se laisse prendre en photo dans cette tenue dans des poses lascives, et va même faire du cinéma et se montrer nue dans des productions hollywoodiennes. Certaines championnes de natation vont lancer leur marque de maillots et tirer ainsi un trait d’union entre le sport, le cinéma et la mode des plages.