Entendre les cris des côtelettes

Confessions 
d’une mangeuse 
de viande
, Marcela Iacub, Fayard, 2011, 
149 p., 14 €.

De Marcela Iacub, juriste et philosophe, on connaissait les plaidoyers contre les morales sexuelles intrusives. Or, la voilà qui, sans prévenir, fait un coming out végétarien sans s’écarter du droit fil de sa philosophie libérale. Comment est-ce possible ? Confessions d’une mangeuse de viande donne le récit argumenté de son adieu aux côtelettes, aux saucisses et au bœuf à la ficelle. C’est sous l’effet d’une vérité refoulée et brusquement révélée que M. Iacub a vu l’horreur des bêtes que l’on mène à l’abattoir, mesuré l’injustice grave qu’il y avait là, et renoncé à la zoophagie.

Dans une vie antérieure, elle a été une grande carnivore, entretenant avec son boucher des rapports quasi amoureux et s’extasiant devant un étal de boudins et pâtés. Oui, mais voilà : deux événements sans lien apparent ont éveillé en elle une inquiétude profonde. D’abord, explique-t-elle, du jour où elle s’est munie d’une petite chienne de compagnie, elle a dû se rendre à l’évidence : les chiens ne sont pas que des canidés, mais des individus sensibles, ayant des désirs, des intentions et des préférences. Or, aux yeux du droit, ces animaux occupent une place bancale : on les protège par des lois contre les mauvais traitements, mais par ailleurs, on les liquide pour presque rien, pour le simple fait d’avoir quitté leur maître, et en toute impunité. Absurde, non ? Et puis, il y a eu l’affaire du poney Junior, une « affaire de mœurs » pour ainsi dire : en 2007, un certain Gérard X. a été jugé et condamné pour avoir eu des rapports sexuels avec un poney. Aucun recours n’y a fait : les juges ont maintenu qu’en l’absence de consentement, c’était un sévice sexuel. Dont acte : un poney peut ne pas consentir à un viol, mais du jour où il aura cessé de servir, qui se souciera de savoir s’il consent à être abattu et, peut-être même, mangé ?