Lorsqu'elle est devenue cognitive, la psychologie s'est donnée un nouveau programme : étudier les représentations et le traitement de l'information des organismes vivants, et de l'être humain en particulier. Nouveau programme, puisqu'auparavant, son objectif était l'étude des conduites. Mais que signifie cette distinction entre conduites et représentations ? Pour bien la comprendre, partons de l'exemple de Jean Costermans : une rencontre entre deux amis 1. Comme il l'explique, la même scène peut être décrite sous deux angles, l'un dit du comportement « manifeste » et l'autre, du comportement « latent » (ce que les Anglo-Saxons appellent « overt behavior » et « covert behavior »).
Le comportement manifeste correspond à l'ensemble des activités motrices - les deux amis s'approchent l'un de l'autre, se serrent la main - des activités verbales - « tiens ça faisait longtemps ! T'as pas pris une ride ! » - et des réactions physiologiques - le complimenté rougit. Le comportement latent n'est lui pas visible, mais peut être déduit : l'un des deux amis a sans doute cherché à identifier l'autre en se basant sur sa mémoire, peut-être n'est-il pas confus du compliment qui lui est fait, mais s'affole plutôt de ne pas retrouver le nom de son interlocuteur, etc. Le comportement latent désigne l'ensemble de cette activité mentale, cachée derrière le comportement visible.
Mais parler d'activités mentales, ou de mécanismes cognitifs, n'est malheureusement pas beaucoup plus clair, tant ces termes paraissent vagues. On utilise souvent la métaphore de la « boîte noire » pour désigner ces fameuses représentations et mécanismes cognitifs, sans se risquer à plus de précision, et ce pour une raison simple : observer ce que l'on dit inobservable pose évidemment un sérieux problème.